Pour la plupart
des amateurs de football, Naples et son club mythique, la Società Sportiva
Calcio Napoli, fondée en 1926, reste une ville et un club faits de passions, où
la réputation des tifosi n’est plus à faire…
Une passion si
excessive que les ultras napolitains ont été interdits de déplacements
officiels durant toute la saison dernière…
Il faut dire
que la « tifoseria » Napolitaine est sans cesse en mutation, donc moins
perméable aux directives répressives des autorités italiennes.
Historiquement dans la cité
parthénopéenne, c’est sous l’impulsion de Gennaro Montuori plus connu sous
le surnom de « Palummella » que le mouvement ultra a pris
véritablement son essor, avec la création du Commando Ultrà Curva B…
Jusque dans les
années 90 le CUCB de Palumella, avec ses 7000 membres encartés, sa propre
émission de TV, son magasine « Ultr’Azzurro » vendu chaque mois à plus de
20 000 exemplaires et ses « tifos » gigantesque règne sans partage
sur la « tifoseria » napolitaine.
Le départ de
Palummella du CUCB annoncé le 6 Juin 2001 laissa la Curva B dans une situation
conflictuelle du fait des dérives reprochés au CUCB et des antagonismes de plus
en plus virulents au sein de la Curva. Les Ultras Napoli ont ainsi succédé au
Commando Ultra’ en rejetant fortement tout l’aspect mercantile de son
fonctionnement. Il faut d’ailleurs noter que (pratiquement tous) les groupes
napolitains ne vendent plus d'écharpes et réservent leurs matériels (tee-shirt,
sweats, casquettes…) à leur noyau et premier cercle.
Mais c’est depuis
le début de ces années 90, que de la Curva A apparaissent
d’autres groupes ultras, qui reviennent aux sources du mouvement en refusant toute
discussion avec la direction du club napolitain et toutes compromissions avec
ce qui ressemble à une quelconque autorité. Ces groupes extrêmement agressifs
et autonomes se multiplient au fil du temps et développent une nouvelle forme
de « tifoseria » napolitaine…
La Curva A qui a
désormais acquis une réputation d’intransigeance vis-à-vis des dirigeants et
surtout des ultras adverses, voit chaque saison grossir le nombre de ses
sympathisants dans une multitude de groupes et de sous groupes parmi lesquels
on trouve actuellement les Teste Matte, un groupe historique fondé en
1987 dont les membres proviennent essentiellement de Panuria, Quarto et du
Quartiere Spagnolo, le NISS acronyme pour «Niente Incontri Solo
Scontri», dont les membres proviennent pour la plupart de Rione Sanità, Pianura
et Soccavo, deux groupes intimement liés, le second étant né d’une scission
interne au premier à la suite de problème de leadership entre certains
« capi » des TMN, Sud, Mastiffs, Brigata Carolina Quartiere
Spagnolo, Fossato Flegreo, Vecchi Lions, Rione Sanità, Bronx et Nuova
Guardia.
Unis face à
l’ennemi, ces groupes peuvent pourtant se trouver opposés en interne. Certains y
voient la « main » de la Camorra. De fait lors des graves incidents
survenus lors du déplacement à Rome en Août de la saison dernière, un grand
nombre des ultras napolitains interpellés par la Police avaient déjà des
antécédents judiciaires en lien avec des groupes « camorristici »…
Les ultras
napolitains avaient d’ailleurs organisé ensuite une manifestation d’ampleur
pour protester contre cet amalgame fait par le Ministère de l’Intérieur en
portant tous un tee-shirt sur lequel était inscrit « IO HO PRECEDENTI PENALI »…
On retrouvait dans
l’enquête diligentée par la DIGOS, les noms des familles qui contrôlent une
partie de la ville, en particulier la zone orientale, de Scampia à San Giovanni
et Teduccio, de Secondigliano à Ponticelli. Le clan Contini, qui a son
quartier général à San Giovanniello et dans les Rione Amicizia. Le clan Lo
Russo
qui contrôle le secteur entre Miano et Chiaiano. D’autres familles encore comme
les Misso, Mazzarella, et les Amato-Pagano…
La police après
vérification, avait ainsi indiqué, que parmi les « tifosi » faisant
l’objet d’une enquête au retour de ce « fameux déplacements » à Rome,
260 étaient fichés pour infractions aux lois sur les stupéfiants, 419 pour vol,
cambriolages, 218 pour agressions, 70 pour détentions d’armes et 71 pour
violations de lois sur l’ordre et la sûreté publique…
De plus des
écoutes téléphoniques mise en place pour une enquête sur le clan Bocchetti
(implanté à Secondigliano et Scampia) ont démontré qu’un des fils du parrain
local était du déplacement vers la Capitale.
Ces écoutes ont
aussi fait apparaître qu’un « camorriste » considéré comme un des
principaux chefs du trafic de drogue du clan Amato-Pagano à Scampia est souvent
en contact téléphonique avec le « capo » d'un des principaux groupes
de la tifoseria de Naples, qui lui procure des billets et parfois lui organise
des déplacements….
Ces liens plus ou
moins définis ont donc ainsi des conséquences sur la situation interne de la
Curva A, puisque c’est Giuseppe Misso, le parrain du clan de Rione Sanità qui
a ordonné que la Masseria Cardone quitte la Curva sous la pression
des Mastiffs…
Ceux de la
Masseria ont alors cherché un nouvel emplacement dans San Paolo et c’est grâce à
la médiation d'un autre clan « camorriste » celui de la famille Lo
Russo,
qu’ils ont pu rejoindre le secteur distinti (tribunes latérales) mais sans
avoir cependant la possibilité de « bâcher »…
L’émergence de la
« A » ne se fait pas aussi sans « heurts » avec la Curva B car
il existe entre les deux « Curve » une divergence de vision sur la
mentalité ultra’ : La «A» est une « curva » qui s’est voulue
authentique, agitée, contestatrice, qui cherche systématiquement
l’affrontement, la «B» (Ideale Ultras, Ultras ´72) est plus
festive, donne priorité au « tifo », reste non violente et assez
folklorique…à l’exception (historique) des Fedayn EAM 1979.
Depuis lors,
autour du Stade San Paolo, comme lors des déplacements, les groupes de la Curva
A vont systématiquement « au contact » avec les tifosi adverses ou les
forces de police (carabinieri comme la DIGOS (Divisione investigazioni generali
e operazioni speciali). Les affrontements sont récurrents et de plus en plus violents,
permettant ainsi au fil des années à la Curva A de se faire une réputation de
violences et d’intransigeance…
Contrairement à de
nombreuses « tifoserie », aucun courant politique significatif n’est
exprimé dans les travées du Stade San Paolo, même si les groupes de la Curva B
pencheraient historiquement à gauche, tandis que ceux de la A seraient plutôt à
droite….
Les
« tifoserie » ennemies, nationales ou régionales ne manquent pas,
comme celle du Hellas Vérone et les groupes d’extrême droite de la Curva Sud du
Bentegodi, héritiers auto proclamés des fameuses Brigate Gialloblu. Celles de
l'Atalanta et de Brescia, tifoserie violentes reconnues pour leur courage et
code d’honneur, respectées, même par les Napolitains, la Ternana, la
Fiorentina, Milan et Inter, clubs Lombards honni pour leur arrogance
« nordiste », au sud, Bari, Cagliari, Reggina (Reggio de Calabre), Pescara
et les voisins de la Salernitana et d’Avellino mais surtout, c’est avec les
clubs de la Capitale, la Roma et la Lazio que la rivalité est la plus tenace et la
plus virulente…
Mais ces
« nouveaux » groupes de la A, ne vont pas seuls au « contact»,
ainsi du côté de la Curva B, le groupe historique des Fedayn reste la
référence ultra’ Napolitaine… Bien que présent en CB, la mentalité du groupe
est totalement différente de celle du CUCB. Par leur fidélité et respect de
« doctrines » de base du mouvement ultra, leur refus de toutes
compromissions « Estranei Alla Massa » est leur
philosophie (« étrangers à la masse »), les « Fedayn » sont non
seulement respectés dans les groupes de la Curva A de San Paolo qui leur
demande souvent de les rejoindre (ce qu’ils ont toujours refusé de faire
jusqu’à présent) mais aussi dans toute l’Italie.
Aujourd’hui les
groupes napolitains sont ancrés dans une volonté de retour aux sources même du
mouvement, attitude en contradiction (bien évidemment) avec le rigorisme des
autorités Italiennes qui n’ont pas hésité à interdire les ultras Napolitains de
tout déplacement officiel lors de la saison qui vient de se terminer après les graves
incidents de Rome survenus dès la…première journée de Championnat…
« Coerenza
e Mentalità » la devise des Mastiffs, fondés en 1991 (quelques 800
membres) symbolise certainement cette relève du mouvement ultra’ Napolitain,
tout comme les Teste Matte 87, un des groupes les plus anciens qui
continuent de représenter une des frange les plus extrêmes de la
« tifoseria » napolitaine : « Rispetto per
tutti.....pietà per nessuno », devise sans ambiguïté sur la doctrine du
groupe, dont l’accès peut aussi s’apparenter à un « parcours initiatique
»…
Depuis 5 ans, un projet unitaire rassemble
l’ensemble des groupes de la Curva A derrière une seule et même
référence : « Napoli 1926 »…. Les Fedayn ont eux aussi rejoint le
projet unitaire, mais en ce qui concerne les décisions internes, chaque groupe
conserve son identité. Après des années de contestation interne et de et de
soucis judiciaires accrus, les groupes Napolitains ont clairement repris toute
leur place et au-delà dans le paysage ultra’ Italien.