mercredi 18 novembre 2009

Roter Stern Leipzig eV'99, tendance « rouge» extrême...



Certains clubs possèdent de, par leur histoire, leur évolution, leur contexte économique et social, une identité sportive, culturelle, parfois politique.



Après la célébration du 20ème anniversaire de la réunification Allemande, il était intéressant, de saisir cette occasion pour évoquer la Roter Stern Leipzig eV'99, qui a quant à elle fêté ses 10 ans cette année, fondée spécifiquement sur la base d’une politique culturelle et d’un projet sportif placé quelque part entre un club de football et un mouvement politique d’extrême gauche…


Entrons dans le monde de la Roter Stern (l'Etoile Rouge) situé dans le secteur sud de Leipzig. Ici, on est dans la zone de Connewitz et à la différence des autres clubs de la première ville de la Saxe, de ceux des autres villes d’ex-Allemagne de l’Est, telles que Rostock, Dresde, Cottbus, ou surtout du Dynamo Berlin où les néo-nazis ont infiltrés les tribunes populaires. Ici la gauche alternative a créé un club, une famille, au sein desquels ces tendances fascisantes sont activement combattues…


Le fondement philosophique, sportif, la raison d'être, et les positions politiques de la Roter Stern Leipzig'99 font partie d’un projet global, même si initialement l’intention se voulait être avant tout de créer en 1999, un club de football, engagé certes, mais où l’aspect sportif se voulait (aussi) prédominant. Le nom, Roter Stern Leipzig'99 avait ainsi été choisi car il était « original » et adapté aux principes fondateurs.


Avec le temps, la question de l'identité (politique) du club est devenue de plus en plus importante…Aujourd’hui la Roter Stern Leipzig se considère comme un projet de politique culturelle et d'émancipation. L'objectif du club est d'exposer et de lutter via le sport contre toute exclusion sociale et de l'abolir dans ses propres structures.Leipzig, avec plus de 515 000 habitants est la première ville de la Saxe (un des seize Länder composant l'Allemagne). Après la seconde guerre mondiale, Leipzig se retrouva en zone d'occupation soviétique, puis dans la RDA dont elle était la deuxième ville, après Berlin. C’est de Leipzig qu’en 1989 débutèrent « les manifestations du lundi » aux cris de « Nous sommes le peuple », qui précipitèrent la fin de la RDA et la réunification Allemande dont on vient de fêter les 20 ans…


Leipzig, aujourd'hui, retrouve, une santé économique et tend à devenir un important centre bancaire et financier. Toutefois comme pour l’ensemble des villes de l’ex RDA, le taux de chômage y reste élevé, apportant son lot de dérives populistes, base d’une résurgence néo nazis importante, même si la ville vote majoritairement pour le SPD ou les partis de gauche…


Le constat des fondateurs de la Roter Stern était qu’au regard du consensus raciste prédominant majoritairement parmi la population de l’ancienne Allemagne de l’Est, le club se devait d’essayer de lutter contre ces comportements….Le club s’est donc voulu être un projet ouvert, accessible au plus grand nombre et donc gratuit (dans la mesure du possible) en rejetant les structures traditionnelles d’un club de football….


C’est donc par le biais de réunion hebdomadaire que toutes les questions concernant le club sont examinées et que les décisions sont prises collégialements


Il est particulièrement important pour le club de lutter activement contre le racisme mais aussi contre le sexisme, le club essaie donc d’agir contre ces phénomènes par le biais d'un programme visant à sensibiliser et à travers l'organisation structurelle du club.


Ainsi, pour les fondateurs et les membres actifs, le club ne doit pas se comprendre uniquement au titre d’un projet sportif, mais comme une organisation avec des exigences politiques concrètes. Le club prend acte des questions sociétales, comme le racisme, le sexisme, la mondialisation, l’exclusion etc.…à l'extérieur et à l'intérieur de sa structure et tente de s'attaquer à ces problèmes dans la mesure où ses ressources le permettent.


La Roter Stern affiche régulièrement ses positions sur les questions pertinentes de la société, que ce soit par des manifestations antifascistes, contre les incidents racistes dans les stades et à l'extérieur, ou des manifestations contre tout ce qui peut apparaître comme « liberticide »…


Ce sont précisément de tels principes et engagements qui font de la Roter Stern Leipzig un club différent des autres…


Mais cela ne va pas sans poser de problèmes dès lors que cette « ambivalence » entre club de football et association politique ne permet pas de définir exactement la nature réelle des activités du club.Ainsi, quelque temps après sa création, l'Office d'État de la Saxe a annulé le statut d'organisation d’intérêt public du club, au motif que les membres fondateurs de la Roter Stern étaient des membres de la scène politique autonome de gauche, sans affiliation à un parti….


C'est ainsi que le dogme de la non politisation du club sera « officiellement » établi. La Roter Stern restant en parallèle un conglomérat de personnes avec un engagement politique marqué, il demeurait inévitable que les questions politiques restent prégnantes à titre individuel et indépendamment de la construction de la « Roter Stern Leipzig eV'99 »…


En fait, tout a commencé au milieu des années 90, quand quelques adolescents se sont rencontrés à Leipzig et bien qu'ils se connaissaient à peine, ils ont vite été unis par leur engagement politique anti-capitaliste (manifestations antifascistes, meetings politiques…) et leur soutien mutuel d’un des club de football de la ville, le Sachsen Leipzig.


Mais révoltés par les comportements racistes et fascistes rencontrés dans les tribunes des stades et notamment dans presque tous les clubs de Leipzig, cette vingtaine de jeunes pris la décision durant l'été 1998 de s’impliquer directement dans la mise en place d’une autre vision sociale du football.


Le groupe a d’abord voulu intégrer un club classique (le FC Blau-Weiß Leipzig), afin d’y apporter une autre culture, une autre approche sociale du football, mais les limites de la capacité du groupe à agir de manière indépendante au sein du Blau-Weiß sont rapidement devenues évidentes…


C’est ainsi qu’en Février 1999, la Roter Stern Leipzig a été fondée. Il y eu d'abord 2 équipes séniors, jouant en 3ème Kreisklasse (le plus bas de classement de ligue), puis une équipe de jeunes etc…


En marge donc, ou en parallèle du football, l’activité militante des dirigeants et membres du club reste forte. Ils sont d’ailleurs rejoints dans leur lutte par la scène culturelle et musicale de Leipzig sous la forme d’un CD dédié au club tandis que les groupes, à leur tour, peuvent s'attendre à un public large et enthousiaste accueilli sous l'étiquette « Roter Stern » qui jouit désormais d'une excellente réputation auprès des militants et amateurs de football partageant les mêmes idéaux.


La Roter Stern est aujourd’hui un symbole de la culture alternative de gauche et de son implication quotidienne auprès des populations défavorisées et des jeunes auprès desquels elle effectue un travail social de proximité…


Le 24 Octobre 2009, lors d’un cours déplacement à Brandis, face au FSV Brandis, une cinquantaine de néo-nazis ont attaqué durant le match, les joueurs, les supporters et les dirigeants de la RSL avec des barres de fer, des battes de baseball, des pierres et des cocktails Molotov ont même été lancés faisant trois blessés graves. Un des blessés présente de graves séquelles puisque touché au visage, les médecins ne peuvent pas exclure une perte définitive de la vue…Si l’Allemagne est « officiellement » réunifiée, elle n’a pas fini de payer les conséquences sociétales d’un mur érigé une nuit d’Août 1961…