Certains clubs possèdent de, par leur histoire, leur
évolution, leur contexte économique et social, une identité sportive,
culturelle, parfois politique.
Après la célébration du 20ème anniversaire de la réunification Allemande,
il était intéressant, de saisir cette occasion pour évoquer la Roter Stern
Leipzig eV'99, qui a quant à elle
fêté ses 10 ans cette année, fondée spécifiquement sur la base d’une politique
culturelle et d’un projet sportif placé quelque part entre un club de
football et un mouvement politique d’extrême gauche…
Entrons dans le monde de la Roter Stern (l'Etoile Rouge) situé dans le secteur sud de Leipzig. Ici, on est dans la zone de Connewitz et à la
différence des autres clubs de la première ville de la Saxe, de ceux des autres
villes d’ex-Allemagne de l’Est, telles que Rostock, Dresde, Cottbus, ou surtout
du Dynamo Berlin où les néo-nazis ont infiltrés les tribunes populaires. Ici la
gauche alternative a créé un club, une famille, au sein desquels ces tendances
fascisantes sont activement combattues…
Le fondement philosophique, sportif, la
raison d'être, et les positions politiques de la Roter Stern Leipzig'99 font
partie d’un projet global, même si initialement l’intention se voulait être
avant tout de créer en 1999, un club de football, engagé certes, mais où
l’aspect sportif se voulait (aussi) prédominant. Le nom, Roter Stern Leipzig'99
avait ainsi été choisi car il était « original » et adapté aux principes
fondateurs.
Avec le temps, la question de l'identité (politique) du club est
devenue de plus en plus importante…Aujourd’hui la Roter Stern Leipzig se
considère comme un projet de politique culturelle et d'émancipation. L'objectif
du club est d'exposer et de lutter via le sport contre toute exclusion sociale
et de l'abolir dans ses propres structures.Leipzig, avec plus de 515 000
habitants est la première ville de la Saxe (un des seize Länder composant
l'Allemagne). Après la seconde guerre mondiale, Leipzig se retrouva en zone
d'occupation soviétique, puis dans la RDA dont elle était la deuxième ville,
après Berlin. C’est de Leipzig qu’en 1989 débutèrent « les manifestations
du lundi » aux cris de « Nous sommes le peuple », qui précipitèrent la fin
de la RDA et la réunification Allemande dont on vient de fêter les 20 ans…
Leipzig, aujourd'hui, retrouve, une santé économique et tend à devenir
un important centre bancaire et financier. Toutefois comme pour l’ensemble des
villes de l’ex RDA, le taux de chômage y reste élevé, apportant son lot de
dérives populistes, base d’une résurgence néo nazis importante, même si la
ville vote majoritairement pour le SPD ou les partis de gauche…
Le constat des
fondateurs de la Roter Stern était qu’au regard du consensus raciste prédominant
majoritairement parmi la population de l’ancienne Allemagne de l’Est, le club
se devait d’essayer de lutter contre ces comportements….Le club s’est donc
voulu être un projet ouvert,
accessible au plus grand nombre et donc gratuit (dans la mesure du possible) en
rejetant les structures traditionnelles d’un club de football….
C’est donc par
le biais de réunion hebdomadaire que toutes les questions concernant le club
sont examinées et que les décisions sont prises collégialements
Il est
particulièrement important pour le club de lutter activement contre le racisme
mais aussi contre le sexisme, le club essaie donc d’agir contre ces phénomènes
par le biais d'un programme visant à sensibiliser et à travers l'organisation
structurelle du club.
Ainsi, pour les fondateurs et les membres actifs, le club
ne doit pas se comprendre uniquement au titre d’un projet sportif, mais comme
une organisation avec des exigences politiques concrètes. Le club prend acte
des questions sociétales, comme le racisme, le sexisme, la mondialisation,
l’exclusion etc.…à l'extérieur et à l'intérieur de sa structure et tente de
s'attaquer à ces problèmes dans la mesure où ses ressources le permettent.
La
Roter Stern affiche régulièrement ses positions sur les questions pertinentes
de la société, que ce soit par des manifestations antifascistes, contre les
incidents racistes dans les stades et à l'extérieur, ou des manifestations
contre tout ce qui peut apparaître comme « liberticide »…
Ce sont
précisément de tels principes et engagements qui font de la Roter Stern Leipzig
un club différent des autres…
Mais cela ne va pas sans poser de problèmes dès
lors que cette « ambivalence » entre club de football et association
politique ne permet pas de définir exactement la nature réelle des activités du
club.Ainsi, quelque temps après sa création, l'Office d'État de la Saxe a
annulé le statut d'organisation d’intérêt public du club, au motif que les
membres fondateurs de la Roter Stern étaient des membres de la scène politique
autonome de gauche, sans affiliation à un parti….
C'est ainsi que le dogme de la
non politisation du club sera « officiellement » établi. La Roter Stern
restant en parallèle un conglomérat de personnes avec un engagement politique
marqué, il demeurait inévitable que les questions politiques restent prégnantes
à titre individuel et indépendamment de la construction de la « Roter
Stern Leipzig eV'99 »…
En fait, tout a commencé au milieu des années 90, quand quelques adolescents se sont rencontrés à
Leipzig et bien qu'ils se connaissaient à peine, ils ont vite été unis par leur
engagement politique anti-capitaliste (manifestations antifascistes, meetings
politiques…) et leur soutien mutuel d’un des club de football de la ville, le
Sachsen Leipzig.
Mais révoltés par les comportements racistes et fascistes
rencontrés dans les tribunes des stades et notamment dans presque tous les
clubs de Leipzig, cette vingtaine de jeunes pris la décision durant l'été 1998
de s’impliquer directement dans la mise en place d’une autre vision sociale du
football.
Le groupe a d’abord voulu intégrer un club classique (le FC Blau-Weiß
Leipzig), afin d’y apporter une autre culture, une autre approche sociale du
football, mais les limites de la capacité du groupe à agir de manière
indépendante au sein du Blau-Weiß sont rapidement devenues évidentes…
C’est
ainsi qu’en Février 1999, la Roter Stern Leipzig a été fondée. Il y eu d'abord
2 équipes séniors, jouant en 3ème Kreisklasse (le plus bas de classement de
ligue), puis une équipe de jeunes etc…
En marge donc, ou en parallèle du
football, l’activité militante des dirigeants et membres du club reste forte.
Ils sont d’ailleurs rejoints dans leur lutte par la scène culturelle et
musicale de Leipzig sous la forme d’un CD dédié au club tandis que les groupes,
à leur tour, peuvent s'attendre à un public large et enthousiaste accueilli
sous l'étiquette « Roter Stern » qui jouit désormais d'une excellente
réputation auprès des militants et amateurs de football partageant les mêmes
idéaux.
La Roter Stern est aujourd’hui un symbole de la culture alternative
de gauche et de son
implication quotidienne auprès des populations défavorisées et des jeunes
auprès desquels elle effectue un travail social de proximité…
Le 24 Octobre 2009, lors d’un cours déplacement à Brandis, face au FSV
Brandis, une cinquantaine de néo-nazis ont attaqué durant le match, les
joueurs, les supporters et les dirigeants de la RSL avec des barres de fer, des battes de baseball, des
pierres et des cocktails Molotov ont même été lancés faisant trois blessés
graves. Un des blessés présente de graves séquelles puisque touché au visage,
les médecins ne peuvent pas exclure une perte définitive de la vue…Si
l’Allemagne est « officiellement » réunifiée, elle n’a pas fini de payer
les conséquences sociétales d’un mur érigé une nuit d’Août 1961…