Cette nouvelle partie (III / VII) nous emmène cette fois de 1883 à 1892
avec la création d’un Championnat d’Angleterre …
En 1883, survint donc le premier succès
d’un club nordiste dans la Cup, Blackburn. Le capitaine de l’équipe, un certain Warburton, prit alors la parole et
annonça "que la Coupe était la bienvenue dans le Lancashire",
ajoutant "qu’on en prendrait soin, et qu’elle ne retournerait plus jamais
à Londres".
Il ne croyait pas si bien dire, car douze années plus tard, sans jamais
être redescendue, géographiquement, au dessous de Birmingham, la Coupe était
volée dans la vitrine d’un marchand de chaussures, supporter de Villa, auquel
le club l’avait prêtée, et on ne devrait jamais la retrouver. En 1958, un
certain Harry Burge, alors âgé de 83 ans, révéla au Sunday Pictorial qu’il
avait volé le trophée et qu’il l’avait fondu pour en faire des pièces de
monnaies….Toutefois, rien n’indique que la confession de Burge soit vraie…
Blackburn Rovers demeura invaincu de 1883 jusqu’en 1886, établissant une série record de 24 matches de Coupe consécutifs sans
défaite. Son élimination dans les préliminaires de la compétition de 1887 fit
du bruit, mais moins que l’annonce, dans les milieux du football, qu’un match
s’était déroulé à Sheffield en nocturne, à la faveur d’une lumière artificielle
alimentée par électricité... Mais 1887, c’est également l’année de l’avènement
du professionnalisme et d’Aston Villa, à l’aube d’une trajectoire qui allait
survoler le football anglais pendant près de trois décennies ; 1887, c’est
encore l’amorce de la rupture définitive avec le football écossais ; 1887,
c’est, en raccourci, une date charnière du football britannique, et qui mérite
bien qu’on en fasse un nouveau point de départ.
1887, une date essentielle pour le
football britannique qui correspond aux débuts du professionnalisme.
Mais comment ? Telle était la question que se posaient les dirigeants
en ce début de saison 1887-1888. Car, qui dit joueurs rémunérés dit argent, et
qui dit argent dit recettes, celles laissées au guichet. Or, les spectateurs ne
s’y bousculent pas en 1887. Certes, ils étaient nombreux pour les matchs de
Coupe, souvent garant d’un bon spectacle mais la Coupe ne revenait qu’une fois
par an. Il fallait bien vivre entre-temps. Pour cela, on avait inventé toute
une série de coupes régionales calquées sur la Cup, mais celles-ci ne
connaissaient pas le même succès populaire. Tous comme les matchs amicaux, que
le public prisait de moins en moins, l’adversaire étant toujours retenu par un
match quelconque de Coupe à rejouer. Le 2 mars 1888, William McGregor,
président d’Aston Villa, envoya une lettre à ses homologues de Blackburn,
Bolton, Preston et West Bromwich. "Je sais, disait-il en substance à ses
collègues, que vous souffrez comme moi de difficultés croissantes pour
organiser des matches amicaux en dehors des coupes qui nous accaparent. Je vous
propose donc d’organiser en commun une compétition régulière". Cette
compétition offrirait deux avantages : plus de recettes et plus de
spectacle. La lettre fut accueillie avec enthousiasme et trois semaines plus
tard à Londres, avait lieu une réunion pour déterminer les modalités de la
future compétition. L’assemblée se donna le nom de Football League.
La Football League poursuivit ses travaux à Londres jusqu’à la fin du mois
de mars 1888, puis à partir du début du mois d’avril, à Manchester, dans les
salons de l’hôtel Royal, un lieu nettement plus approprié à l’événement,
puisque aucun club « sudiste » ne participait aux discussions. Le 17
avril, les congressistes livraient le fruit de leur recherche : ils se
proposaient d’organiser une compétition nationale par matches aller-retour, mais dont le nombre de participants devait être limité à douze car on
n’avait pu « dégager » que 22 dates dans le calendrier.
15 clubs ayant montré de l’intérêt pour la compétition, la Football League
choisit d’en éliminer trois : Nottingham Forest, The Wednesday, club de
Sheffield et un club aujourd’hui disparu du nom d’Halliwell. Quant aux 12
autres, à savoir, Aston Villa, Preston North End, Wolverhampton, Blackburn
Rovers, Bolton, WBA, Accrington, Everton, Burnley, Derby, Notts County et Stoke, ils ne se rendaient pas compte encore qu’ils venaient de fonder le plus
vieux championnat du monde.
Et c’est ainsi qu’à l’automne 1888 démarra une nouvelle compétition axée plus sur la régularité que sur le coup d’éclat qui n’allait pas
manquer, comme son aînée, la Cup, de conquérir le monde.
Avant d’aller plus loin, on observera la remarquable carrière accomplie
depuis l’origine par la majorité des 12 créateurs du Championnat d’Angleterre à
l’exception d’Accrington, disparu rapidement, et à un degré moindre de Notts
County. Preston allait dominer les deux premières années de la nouvelle
compétition. "Preston la fière" et ses "vieux invincibles"
terminèrent invaincus en 1888-1889,
s’imposant avec 11 points d’avance sur leurs poursuivants immédiats. S’appuyant
sur une ossature écossaise, naturellement, Preston comptait également dans ses
rangs le meilleur avant-centre de son époque, l’Anglais John Goodall. Avec 40
points sur 44 possible l’équipe établissait un record qui n’allait plus être
battu, inscrivant en outre 74 buts en 22 matchs. Invincible en championnat, les
hommes du président Suddell allaient également l’être en coupe, passant les 4
tours sans encaisser le moindre but. Sur sa lancée, Preston conserva son titre
de champion l’année suivante.
Cependant, ce doublé marque l’amorce d’un déclin qui dure toujours. :
Depuis 1890, jamais plus l’équipe du
Lancashire n’a remporté le titre, et si une seconde coupe d’Angleterre figure à
son palmarès, elle le doit un peu à la chance, qui fit ricocher sous la
transversale le penalty qui lui avait été accordé à l’ultime minute de la
prolongation de la finale 1938 face à Huddersfield Town. Everton remporta le
titre l’année suivante. Dans le bas du tableau Stoke laissa sa place à
Sunderland qui termina 7ème pour sa première année passée dans l’élite, et
allait enlever le titre l’année suivante.
Autre innovation à l’orée de la saison 1891-1892 : l’apparition des
filets tendus derrière les poteaux de but, que le football devait à
l’ingéniosité d’un artisan de Liverpool, nommé Brodie. Les filets avaient
l’avantage énorme de supprimer toute contestation quant à la validité du but,
et la Football League, qui avait souvent à traiter des cas litigieux,
encouragea vivement les clubs à doter leurs buts de ces précieux
"témoins"…
Source : "Le Football Britannique", par Patrick Blain, aux éditions Famot, 1979.