Cette nouvelle partie (IV / VII) débuté en 1893, et fait
la part belle à Aston Villa, le grand club anglais d’avant-guerre, vainqueur de
six championnats et cinq Cup mais aussi de l’engouement populaire pour ce
nouveau sport qu’est le football.
En 1893, après 5 ans d’existence, la Football League avait déjà bien changé de
visage. Le nombre sans cesse croissant de candidats à un poste dans la League avait amené, en 1891, William
Mc Gregor et ses amis à porter de douze à quatorze le nombre de compétiteurs,
ce dont Stoke avait profité pour réintégrer sa place au côté d’un nouveau venu,
Darwen.
Un an plus tard, outre deux nouvelles admissions à la
première Division, la Football League créait une seconde division en absorbant la
ligue rivale, la Football Alliance au sein de laquelle étaient regroupées douze équipes,
puis en la portant dès l’année suivante, à seize unités. De douze à l’origine,
le nombre de clubs était ainsi passé, six ans plus tard, à 32 !
Il n’y avait entre les deux divisions ni promotion ni
relégation automatique. En revanche trois matches de barrage dits "test
matches" opposaient les trois derniers de division 1 aux trois premiers de
division 2. L’idée était bonne mais le système beaucoup moins, qui condamnait
pratiquement les clubs incriminés à jouer toute une saison sur un seul match.
Trois années durant le système fût pourtant maintenu, avant qu’en 1896, on
introduise une nouvelle réglementation : un "mini-championnat"
en fin de saison avec les deux premiers de la division 2 et les deux derniers
de division 1, et dont les deux premiers gagnaient leur place parmi l’élite.
Mais un match nul douteux entre Stoke et Burnley amena la Football League à inventer la recette
définitive : la promotion et la relégation se feraient automatiquement
pour les deux ou trois (suivant les saisons) clubs en question.
Quant à la coupe, elle continuait de parler avec l’accent
du Nord-Ouest : Après un nouveau doublé de Blackburn, Wolverhampton
inscrivait à son tour son nom sur les listes officielles en battant Everton au
Fallowfield, le terrain de Manchester. Effrayée par le nombre de candidats
spectateurs, la ligue de cricket du Surrey avait en effet refusé de prêter son
Kennington Oval, et les clubs nordistes, de plus en plus puissants avaient
profité de leur position de force pour exiger de la FA que la finale se jouât
sur le terrain de l’un d’entre eux. C’est Manchester qui obtint cet honneur et
45.000 spectateurs se précipitèrent pour assister à l’événement, dans un rush
qui préfigurait la ruée sur Wembley, en 1923, lors du match inaugural du
"Temple du Football" et surtout la catastrophe de l’Ibrox Park de
Glasgow, qui allai survenir dans moins de dix ans.
La Southern League fondée en 1894, copiait exactement le
championnat de la Football League, à ceci près que les équipes qui le disputaient étaient
à statut amateur, officiellement s’entend. Car la contagion gagnait les
derniers bastions du football amateur, et les temps n’étaient plus très
éloignés, où l’Angleterre tout entière allait être professionnalisée.
Il faut bien reconnaître en contrepartie que le football
était sorti de ses balbutiements originels. Du monde entier parvenaient les
échos de l’implantation du football. Toutes les colonies britanniques et
l’Europe, séduites, tapaient dans le ballon de cuir. L’Amérique du Sud n’allait
pas tarder à en faire autant. Et en Angleterre, où l’on disputait depuis plus
de 20 ans déjà des rencontres internationales, l’ère d’Aston Villa commençait.
L’équipe au maillot « claret and blue » remporta son premier titre en
1893-94. Sunderland reprenait son bien en 1895, mais en 1896, Aston Villa
réussissait le second doublé du football anglais, après celui de Preston en
1889, celui dont on allait penser, 64 ans durant, qu’il serait le dernier avant
que Tottenham, en 1961, ne vienne tordre le cou à cette légende...
Avant que la compétition ne s’arrête en 1914 une première
fois, Aston Villa s’octroya au total six championnats et cinq coupes, et l’on
ne voit guère dans toute l’histoire du football anglais, que l’Arsenal des
années trente, le Liverpool des années 70, et le Manchester United des années
90 qui puisse objectivement être comparé à l’équipe de Birmingham pour la
domination durable que celle-ci exerça sur son époque. Pratiquement invincible
chez lui, dans son stade de brique rouge, Villa était la terreur de ses
adversaires.
Le succès d’Aston Villa dans la Cup de 1895 avait
coïncidé avec le retour à Londres du dernier acte de l’épreuve, après
l’intermède de Manchester et d’Everton. La FA avait finalement choisi le
terrain de Crystal Palace. Palace, comme on l’appelait était un centre de
loisirs typiquement victorien, à mi-chemin entre Luna Park et la plage de
Brighton, et ses tribunes pouvaient engloutir, estimait-on, plus de 100.000
spectateurs, ce que les faits n’allaient pas tarder à prouver. Aston Villa
inaugura donc Crystal Palace. En face, il y avait le vieux rival de Birmingham,
West Bromwich, que par deux fois déjà, Aston Villa avait affronté en finale de
la Cup. Cette troisième confrontation a réglé une fois pour toutes la vieille
question de la suprématie locale avec la victoire de Villa, 1-0.
Deux ans plus tard, Villa était de retour à Crystal
Palace pour une nouvelle finale et une nouvelle victoire aux dépens, cette
fois, d’Everton, dans l’un des plus beaux matchs jamais vus à ce niveau,
rapportent les observateurs, et qui valait bien ceux des finales de 1948 ou
1953 qui, à l’instar de certains vins, passèrent à la postérité comme
d’excellents crus.
La Cup connaissait un succès populaire que rien ne
semblait pouvoir endiguer. En 1896, 48836 personnes s’étaient déplacées pour
assister à la rencontre Sheffield Wednesday- Wolves. L’année suivante, le
chiffre record passait à 65891. Puis à 78833 en 1899, pour Sheffield
United-Derby. Et ce n’était pas terminé, ainsi pour voir Tottenham ramener
enfin la Cup à Londres en 1901, plus de 110.000 curieux avaient fait le voyage
de Crystal Palace, un chiffre que seul le sommet de 1913 entre les deux
meilleures équipes de l’époque, Villa et Sunderland, allait parvenir à
surpasser en drainant pour la finale 120081 spectateurs autour du rectangle de
jeu.
Et Aston Villa entra définitivement dans la légende en
battant son adversaire 1-0, et en raflant sa cinquième coupe...
Source : "Le Football Britannique", par Patrick Blain, aux éditions Famot, 1979.