mardi 26 janvier 2010

This is England - La genèse (Vol IV)


Cette nouvelle partie (IV / VII) débuté en 1893, et fait la part belle à Aston Villa, le grand club anglais d’avant-guerre, vainqueur de six championnats et cinq Cup mais aussi de l’engouement populaire pour ce nouveau sport qu’est le football.

En 1893, après 5 ans d’existence, la Football League avait déjà bien changé de visage. Le nombre sans cesse croissant de candidats à un poste dans la League avait amené, en 1891, William Mc Gregor et ses amis à porter de douze à quatorze le nombre de compétiteurs, ce dont Stoke avait profité pour réintégrer sa place au côté d’un nouveau venu, Darwen.

Un an plus tard, outre deux nouvelles admissions à la première Division, la Football League créait une seconde division en absorbant la ligue rivale, la Football Alliance au sein de laquelle étaient regroupées douze équipes, puis en la portant dès l’année suivante, à seize unités. De douze à l’origine, le nombre de clubs était ainsi passé, six ans plus tard, à 32 !

Il n’y avait entre les deux divisions ni promotion ni relégation automatique. En revanche trois matches de barrage dits "test matches" opposaient les trois derniers de division 1 aux trois premiers de division 2. L’idée était bonne mais le système beaucoup moins, qui condamnait pratiquement les clubs incriminés à jouer toute une saison sur un seul match. Trois années durant le système fût pourtant maintenu, avant qu’en 1896, on introduise une nouvelle réglementation : un "mini-championnat" en fin de saison avec les deux premiers de la division 2 et les deux derniers de division 1, et dont les deux premiers gagnaient leur place parmi l’élite. Mais un match nul douteux entre Stoke et Burnley amena la Football League à inventer la recette définitive : la promotion et la relégation se feraient automatiquement pour les deux ou trois (suivant les saisons) clubs en question.

Quant à la coupe, elle continuait de parler avec l’accent du Nord-Ouest : Après un nouveau doublé de Blackburn, Wolverhampton inscrivait à son tour son nom sur les listes officielles en battant Everton au Fallowfield, le terrain de Manchester. Effrayée par le nombre de candidats spectateurs, la ligue de cricket du Surrey avait en effet refusé de prêter son Kennington Oval, et les clubs nordistes, de plus en plus puissants avaient profité de leur position de force pour exiger de la FA que la finale se jouât sur le terrain de l’un d’entre eux. C’est Manchester qui obtint cet honneur et 45.000 spectateurs se précipitèrent pour assister à l’événement, dans un rush qui préfigurait la ruée sur Wembley, en 1923, lors du match inaugural du "Temple du Football" et surtout la catastrophe de l’Ibrox Park de Glasgow, qui allai survenir dans moins de dix ans.

La Southern League fondée en 1894, copiait exactement le championnat de la Football League, à ceci près que les équipes qui le disputaient étaient à statut amateur, officiellement s’entend. Car la contagion gagnait les derniers bastions du football amateur, et les temps n’étaient plus très éloignés, où l’Angleterre tout entière allait être professionnalisée.

Il faut bien reconnaître en contrepartie que le football était sorti de ses balbutiements originels. Du monde entier parvenaient les échos de l’implantation du football. Toutes les colonies britanniques et l’Europe, séduites, tapaient dans le ballon de cuir. L’Amérique du Sud n’allait pas tarder à en faire autant. Et en Angleterre, où l’on disputait depuis plus de 20 ans déjà des rencontres internationales, l’ère d’Aston Villa commençait. L’équipe au maillot « claret and blue » remporta son premier titre en 1893-94. Sunderland reprenait son bien en 1895, mais en 1896, Aston Villa réussissait le second doublé du football anglais, après celui de Preston en 1889, celui dont on allait penser, 64 ans durant, qu’il serait le dernier avant que Tottenham, en 1961, ne vienne tordre le cou à cette légende...

Avant que la compétition ne s’arrête en 1914 une première fois, Aston Villa s’octroya au total six championnats et cinq coupes, et l’on ne voit guère dans toute l’histoire du football anglais, que l’Arsenal des années trente, le Liverpool des années 70, et le Manchester United des années 90 qui puisse objectivement être comparé à l’équipe de Birmingham pour la domination durable que celle-ci exerça sur son époque. Pratiquement invincible chez lui, dans son stade de brique rouge, Villa était la terreur de ses adversaires.

Le succès d’Aston Villa dans la Cup de 1895 avait coïncidé avec le retour à Londres du dernier acte de l’épreuve, après l’intermède de Manchester et d’Everton. La FA avait finalement choisi le terrain de Crystal Palace. Palace, comme on l’appelait était un centre de loisirs typiquement victorien, à mi-chemin entre Luna Park et la plage de Brighton, et ses tribunes pouvaient engloutir, estimait-on, plus de 100.000 spectateurs, ce que les faits n’allaient pas tarder à prouver. Aston Villa inaugura donc Crystal Palace. En face, il y avait le vieux rival de Birmingham, West Bromwich, que par deux fois déjà, Aston Villa avait affronté en finale de la Cup. Cette troisième confrontation a réglé une fois pour toutes la vieille question de la suprématie locale avec la victoire de Villa, 1-0.

Deux ans plus tard, Villa était de retour à Crystal Palace pour une nouvelle finale et une nouvelle victoire aux dépens, cette fois, d’Everton, dans l’un des plus beaux matchs jamais vus à ce niveau, rapportent les observateurs, et qui valait bien ceux des finales de 1948 ou 1953 qui, à l’instar de certains vins, passèrent à la postérité comme d’excellents crus.

La Cup connaissait un succès populaire que rien ne semblait pouvoir endiguer. En 1896, 48836 personnes s’étaient déplacées pour assister à la rencontre Sheffield Wednesday- Wolves. L’année suivante, le chiffre record passait à 65891. Puis à 78833 en 1899, pour Sheffield United-Derby. Et ce n’était pas terminé, ainsi pour voir Tottenham ramener enfin la Cup à Londres en 1901, plus de 110.000 curieux avaient fait le voyage de Crystal Palace, un chiffre que seul le sommet de 1913 entre les deux meilleures équipes de l’époque, Villa et Sunderland, allait parvenir à surpasser en drainant pour la finale 120081 spectateurs autour du rectangle de jeu.

Et Aston Villa entra définitivement dans la légende en battant son adversaire 1-0, et en raflant sa cinquième coupe...

Source : "Le Football Britannique", par Patrick Blain, aux éditions Famot, 1979.