Le déroulement de cette finale semblait
tout écrit mais comme souvent les choses ne se déroulèrent pas comme prévues.
De l’avis de tous, cette finale ne fut pas brillante et la qualité du football
déployé ce jour-là à Wembley n’atteignit pas des sommets. La balle resta
cantonnée le plus souvent au milieu de terrain. De chaque côté, les attaquants
peu inspirés n’arrivaient pas à déstabiliser des défenses bien organisées, ne
mettant pas beaucoup les gardiens à contribution. On s’ennuyait ferme dans les
tribunes : les Gunners et les Bluebirds se neutralisaient, pour la plus grande
tristesse des supporters. Néanmoins, dans le dernier quart d’heure de jeu, le
destin vint s’en mêler et donner un peu plus d’éclat à ce match besogneux.
Touche jouée par Keenor pour Cardiff, la balle à McLachlan qui passa à
Ferguson. L’Ecossais était connu pour sa grande précision dans les tirs de
loin. Il tenta sa chance. Sous la pression de Davies, le gardien des Cannoniers
se coucha sur la balle... qui lui échappa et fila le long de la ligne. La balle
avait-elle rebondi sur son coude, son bras, son poignet ? A qui donner le but :
Ferguson, Davies qui semblait avoir effleuré le ballon au passage, ou le pauvre
Lewis contre son camp ? La seule certitude réside dans le fait que le but était
bel et bien valable, et logiquement accordé par l’arbitre M. Bunnell. Poussant
désespérément dans les dernières minutes, Arsenal se créa vaguement un semblant
d’occasion…
Les Londoniens ne reviendront pas au
score. La Cup avait choisi son vainqueur et le capitaine Fred Keenor put
recevoir le trophée des mains du roi George V. La parade manquée par Lewis
alimentera longtemps les discussions dans les pubs de Londres. Le portier gallois,
accusés par certains d’avoir favorisé volontairement ses compatriotes,
rejettera la faute sur son maillot en laine, flambant neuf, et selon lui trop
glissant ce qui ne lui avait pas permis d’attraper correctement la balle. Il
est de tradition depuis à Arsenal de laver les maillots des gardiens avant
qu’ils ne soient portés pour la première fois pour éviter pareille
mésaventure…
Dès le lendemain du match, Hughie
Ferguson fut crédité du but victorieux, et les Gallois furent fêtés à leur
retour au pays comme des héros. Tout Cardiff avait en effet pu suivre l’exploit
de l’équipe à la radio, notamment grâce aux enceintes installées dans Cathays
Park. Scènes de joie et soirées bien arrosées s’ensuivirent. Un film
commémorant cette victoire fut même tourné pour être diffusé dans les divers
cinémas du pays.
Les Gallois auraient eu tort de s’en
priver : après cette victoire historique, la Coupe repartira dès 1928 en
Angleterre, du côté de Blackburn, et ne quittera plus jamais le pays par la
suite. Une victoire unique pour des héros aux destins, pour le moins, atypiques
! Le portier, Tom Farquharson, que la rumeur désignait comme un membre de
l’IRA, portait toujours sur lui un pistolet. Ernie Curtis, le benjamin de
l’équipe du haut de ses 19 ans, fut fait prisonnier lors de la Seconde Guerre
Mondiale par les Japonais durant quatre ans. Len Davies, meilleur buteur de
l’histoire du club (avec 148 buts inscrits sous le maillot des Bluebirds), dont
on se souvient plus pour le but … qu’il ne marqua pas ! En effet, lors de la
dernière journée de championnat en 1923, Cardiff devait battre Birmingham City
pour remporter le titre et obtint un penalty dans les dernières minutes de la
rencontre. Davies s’avança, mais manqua la cible. Le match se termina sur un
score nul et vierge et le titre revint à Huddersfield Town, grâce à une moyenne
de but supérieure de 0,024 buts à celle des Gallois : 1,818 contre 1,794 ! Le
championnat le plus serré de l’histoire du football anglais qui serait revenu
aux Gallois si l’on avait départagé les deux équipes à la différence de buts ou
au nombre de buts marqués. Et que dire de Billy Hardy, un des grands milieux
gauches anglais de son époque, qui n’évolua jamais pour les Three Lions en
raison de la réticence de la fédération anglaise à sélectionner des joueurs
n’évoluant pas dans des clubs anglais… Hardy resta malgré tout fidèle à
Cardiff, jouant le dernier de ses 585 matchs pour l’équipe première à l’âge de
41 ans en 1932. Une autre anecdote, lors de son arrivée au Ninian Park, en
1911, la situation financière de Cardiff était si catastrophique que c’est le
manager Fred Stewart (arrivé en même temps qu'Hardy de Stockport County), qui
dû payer l’indemnité de transfert (qui ne se montait heureusement pour lui qu’à
25 £) de sa poche.
Cerise sur le gâteau, Cardiff City
signa la plus belle saison de son histoire en remportant également le Charity
Shield quelques semaines plus tard, face aux London Corinthians, 2-1 à Stamford
Bridge. L’heure de gloire pour le club gallois qui ne tarda pas à sombrer… Après
une belle 6ème place lors de la saison 1927/28, le club termina dernier l’année
suivante et fut donc relégué. Les Gallois sombrèrent même en D3 en 1931 après
un exercice calamiteux ponctué de seulement 8 victoires en 42 rencontres ! Les
résultats décevants à répétition poussèrent, en mai 1933, l’historique manager
Fred Stewart vers la sortie après 22 ans de fidélité. A l’opposé de son
adversaire d’un jour, le destin d’Arsenal après cette finale perdue en 1927 fut
jalonné de succès avec cinq championnats et deux coupes ramenés à Highbury dans
la décennie suivante grâce au génie novateur d'Herbert Chapman. Les plus grands
succès des Bluebirds sentent désormais la naphtaline tandis qu’Arsenal fait, de
nos jours, encore les grands titres des journaux. Quant à Ferguson, le fameux
buteur de Wembley, il fut transféré deux ans plus tard à Dundee pour cause de
blessures à répétitions. Hughie, héros déchu de la finale mythique de 1927,
supporta mal de ne plus tenir le haut de l’affiche. La dépression dans laquelle
il plongea ne l’aida pas vraiment à retrouver le chemin des buts. La foule des
spectateurs ne reconnaissait pas celui qu’ils attendaient comme un buteur
efficace. Il ne marqua que deux buts et fut rapidement écarté de l’équipe pour
manque de forme. Au début de l’année 1930, miné par la disparition de sa
scoring touch, il fut retrouvé mort au pied de la tribune principale de Dens
Park, l’enceinte de Dundee. Suicide par asphyxie au gaz à l’âge de 33 ans.
Symbolique, dramatique !
Certains superstitieux laissent
désormais entendre dire que Trixie, le petit chat noir, était diabolique et
qu’il faucha précocement Ferguson en échange du but de la victoire à Wembley...