jeudi 11 février 2010

Cardiff City - Saison 1927 : Quand la Cup quitta l’Angleterre…(Vol II)


Le déroulement de cette finale semblait tout écrit mais comme souvent les choses ne se déroulèrent pas comme prévues. De l’avis de tous, cette finale ne fut pas brillante et la qualité du football déployé ce jour-là à Wembley n’atteignit pas des sommets. La balle resta cantonnée le plus souvent au milieu de terrain. De chaque côté, les attaquants peu inspirés n’arrivaient pas à déstabiliser des défenses bien organisées, ne mettant pas beaucoup les gardiens à contribution. On s’ennuyait ferme dans les tribunes : les Gunners et les Bluebirds se neutralisaient, pour la plus grande tristesse des supporters. Néanmoins, dans le dernier quart d’heure de jeu, le destin vint s’en mêler et donner un peu plus d’éclat à ce match besogneux. Touche jouée par Keenor pour Cardiff, la balle à McLachlan qui passa à Ferguson. L’Ecossais était connu pour sa grande précision dans les tirs de loin. Il tenta sa chance. Sous la pression de Davies, le gardien des Cannoniers se coucha sur la balle... qui lui échappa et fila le long de la ligne. La balle avait-elle rebondi sur son coude, son bras, son poignet ? A qui donner le but : Ferguson, Davies qui semblait avoir effleuré le ballon au passage, ou le pauvre Lewis contre son camp ? La seule certitude réside dans le fait que le but était bel et bien valable, et logiquement accordé par l’arbitre M. Bunnell. Poussant désespérément dans les dernières minutes, Arsenal se créa vaguement un semblant d’occasion…

Les Londoniens ne reviendront pas au score. La Cup avait choisi son vainqueur et le capitaine Fred Keenor put recevoir le trophée des mains du roi George V. La parade manquée par Lewis alimentera longtemps les discussions dans les pubs de Londres. Le portier gallois, accusés par certains d’avoir favorisé volontairement ses compatriotes, rejettera la faute sur son maillot en laine, flambant neuf, et selon lui trop glissant ce qui ne lui avait pas permis d’attraper correctement la balle. Il est de tradition depuis à Arsenal de laver les maillots des gardiens avant qu’ils ne soient portés pour la première fois pour éviter pareille mésaventure… 

Dès le lendemain du match, Hughie Ferguson fut crédité du but victorieux, et les Gallois furent fêtés à leur retour au pays comme des héros. Tout Cardiff avait en effet pu suivre l’exploit de l’équipe à la radio, notamment grâce aux enceintes installées dans Cathays Park. Scènes de joie et soirées bien arrosées s’ensuivirent. Un film commémorant cette victoire fut même tourné pour être diffusé dans les divers cinémas du pays.

Les Gallois auraient eu tort de s’en priver : après cette victoire historique, la Coupe repartira dès 1928 en Angleterre, du côté de Blackburn, et ne quittera plus jamais le pays par la suite. Une victoire unique pour des héros aux destins, pour le moins, atypiques ! Le portier, Tom Farquharson, que la rumeur désignait comme un membre de l’IRA, portait toujours sur lui un pistolet. Ernie Curtis, le benjamin de l’équipe du haut de ses 19 ans, fut fait prisonnier lors de la Seconde Guerre Mondiale par les Japonais durant quatre ans. Len Davies, meilleur buteur de l’histoire du club (avec 148 buts inscrits sous le maillot des Bluebirds), dont on se souvient plus pour le but … qu’il ne marqua pas ! En effet, lors de la dernière journée de championnat en 1923, Cardiff devait battre Birmingham City pour remporter le titre et obtint un penalty dans les dernières minutes de la rencontre. Davies s’avança, mais manqua la cible. Le match se termina sur un score nul et vierge et le titre revint à Huddersfield Town, grâce à une moyenne de but supérieure de 0,024 buts à celle des Gallois : 1,818 contre 1,794 ! Le championnat le plus serré de l’histoire du football anglais qui serait revenu aux Gallois si l’on avait départagé les deux équipes à la différence de buts ou au nombre de buts marqués. Et que dire de Billy Hardy, un des grands milieux gauches anglais de son époque, qui n’évolua jamais pour les Three Lions en raison de la réticence de la fédération anglaise à sélectionner des joueurs n’évoluant pas dans des clubs anglais… Hardy resta malgré tout fidèle à Cardiff, jouant le dernier de ses 585 matchs pour l’équipe première à l’âge de 41 ans en 1932. Une autre anecdote, lors de son arrivée au Ninian Park, en 1911, la situation financière de Cardiff était si catastrophique que c’est le manager Fred Stewart (arrivé en même temps qu'Hardy de Stockport County), qui dû payer l’indemnité de transfert (qui ne se montait heureusement pour lui qu’à 25 £) de sa poche.

Cerise sur le gâteau, Cardiff City signa la plus belle saison de son histoire en remportant également le Charity Shield quelques semaines plus tard, face aux London Corinthians, 2-1 à Stamford Bridge. L’heure de gloire pour le club gallois qui ne tarda pas à sombrer… Après une belle 6ème place lors de la saison 1927/28, le club termina dernier l’année suivante et fut donc relégué. Les Gallois sombrèrent même en D3 en 1931 après un exercice calamiteux ponctué de seulement 8 victoires en 42 rencontres ! Les résultats décevants à répétition poussèrent, en mai 1933, l’historique manager Fred Stewart vers la sortie après 22 ans de fidélité. A l’opposé de son adversaire d’un jour, le destin d’Arsenal après cette finale perdue en 1927 fut jalonné de succès avec cinq championnats et deux coupes ramenés à Highbury dans la décennie suivante grâce au génie novateur d'Herbert Chapman. Les plus grands succès des Bluebirds sentent désormais la naphtaline tandis qu’Arsenal fait, de nos jours, encore les grands titres des journaux. Quant à Ferguson, le fameux buteur de Wembley, il fut transféré deux ans plus tard à Dundee pour cause de blessures à répétitions. Hughie, héros déchu de la finale mythique de 1927, supporta mal de ne plus tenir le haut de l’affiche. La dépression dans laquelle il plongea ne l’aida pas vraiment à retrouver le chemin des buts. La foule des spectateurs ne reconnaissait pas celui qu’ils attendaient comme un buteur efficace. Il ne marqua que deux buts et fut rapidement écarté de l’équipe pour manque de forme. Au début de l’année 1930, miné par la disparition de sa scoring touch, il fut retrouvé mort au pied de la tribune principale de Dens Park, l’enceinte de Dundee. Suicide par asphyxie au gaz à l’âge de 33 ans. Symbolique, dramatique !

Certains superstitieux laissent désormais entendre dire que Trixie, le petit chat noir, était diabolique et qu’il faucha précocement Ferguson en échange du but de la victoire à Wembley...