jeudi 11 mars 2010

Argentine : 1913 quand le football devint « fútbol »…(Vol III)


Il fallait commencer par construire (et imaginer) un nouveau style de jeu, différent de celui pratiqué par les footballeurs britanniques. Le style britannique était fondé sur un solide travail collectif, un bon esprit d'équipe, des passes longues, la rapidité, la puissance physique et peu de dribbles individuels. Le style était défini comme « aérien »

Le style créole, en revanche, appelé de façon euphémique l'« assise créole », était un style « terrestre », basé sur des passes courtes, la précision, une balle plus souvent au sol, un jeu plus lent et l'emphase sur le dribble créatif. 

Avec une telle « assise », le football argentin se libérait de la grille britannique et développait une nouvelle forme de jeu.

Cela fait, on relia explicitement cette transformation stylistique à l'environnement, aux produits et aux caractéristiques d'un territoire donné qui conditionne les immigrants et leurs descendants : l'air, le paysage, le contact avec les habitants, la nourriture et la boisson. Le produit n'était pas italien ou espagnol, il était « créole », car la nouvelle forme se développait à partir de sources d'origines diverses. Comparé aux autres styles, celui défini comme « créole » différait de celui des Espagnols, considéré comme plutôt primitif (la furia espanola), et de celui des Italiens, moins créatif et moins technique…

La victoire du Racing en 1913 coïncida pratiquement avec les ouvertures démocratiques, l'extension des droits civils et du droit de vote, ainsi qu'avec l'incorporation des immigrants dans la vie politique à travers le Parti radical, qui gagna les élections nationales en 1916 et resta au pouvoir jusqu'en 1930. Les nationalistes véhiculaient une image pastorale de la nation, fondée sur les notions de « racines » et de « permanence de la tradition ».

Tout en se concentrant sur l'importance du football, les discours des journalistes sportifs et de la presse populaire articulaient de nouvelles images et de nouvelles représentations basées sur la créolisation et l'importante contribution des immigrants dans la définition du style national. Ce processus fut consolidé à travers les victoires internationales des clubs argentins et des équipes nationales dans les années 20.

Le football argentin n'était pas un phénomène local, il fut reconnu comme quelque chose de différent et de très compétitif. Le football devint un élément important dans le développement global du sport dans lequel les équipes et les joueurs circulaient dans un marché international croissant. Les meilleurs joueurs locaux émigraient (aussi) vers l'Europe et déployaient le nouveau « style créole » via les grands clubs Européens…