Il
fallait commencer par construire (et imaginer) un nouveau style de jeu,
différent de celui pratiqué par les footballeurs britanniques. Le style
britannique était fondé sur un solide travail collectif, un bon esprit
d'équipe, des passes longues, la rapidité, la puissance physique et peu de
dribbles individuels. Le style était défini comme « aérien ».
Le
style créole, en revanche, appelé de façon euphémique l'« assise
créole », était un style « terrestre », basé sur des passes
courtes, la précision, une balle plus souvent au sol, un jeu plus lent et
l'emphase sur le dribble créatif.
Avec une telle « assise », le
football argentin se libérait de la grille britannique et développait une
nouvelle forme de jeu.
Cela
fait, on relia explicitement cette transformation stylistique à
l'environnement, aux produits et aux caractéristiques d'un territoire donné qui
conditionne les immigrants et leurs descendants : l'air, le paysage, le
contact avec les habitants, la nourriture et la boisson. Le produit n'était pas
italien ou espagnol, il était « créole », car la nouvelle forme se
développait à partir de sources d'origines diverses. Comparé aux autres styles,
celui défini comme « créole » différait de celui des Espagnols,
considéré comme plutôt primitif (la furia espanola), et de celui des Italiens,
moins créatif et moins technique…
La
victoire du Racing en 1913 coïncida pratiquement avec les ouvertures
démocratiques, l'extension des droits civils et du droit de vote, ainsi qu'avec
l'incorporation des immigrants dans la vie politique à travers le Parti
radical, qui gagna les élections nationales en 1916 et resta au pouvoir
jusqu'en 1930. Les nationalistes véhiculaient une image pastorale de la nation,
fondée sur les notions de « racines » et de « permanence de la
tradition ».
Tout
en se concentrant sur l'importance du football, les discours des journalistes
sportifs et de la presse populaire articulaient de nouvelles images et de
nouvelles représentations basées sur la créolisation et l'importante
contribution des immigrants dans la définition du style national. Ce processus
fut consolidé à travers les victoires internationales des clubs argentins et
des équipes nationales dans les années 20.
Le
football argentin n'était pas un phénomène local, il fut reconnu comme quelque chose
de différent et de très compétitif. Le football devint un élément important
dans le développement global du sport dans lequel les équipes et les joueurs
circulaient dans un marché international croissant. Les meilleurs joueurs
locaux émigraient (aussi) vers l'Europe et déployaient le nouveau « style
créole » via les grands clubs Européens…
Christian
Ghasarian (Traduit de l'Anglais)
Argentine : 1913 quand le football devint « fútbol »…(Vol II)
Argentine : 1913 quand le football devint « fútbol »…(Vol I)
Argentine : 1913 quand le football devint « fútbol »…(Vol II)
Argentine : 1913 quand le football devint « fútbol »…(Vol I)