Qu’il
était quand même bien triste de voir encore une fois hier soir ce stade de
Stamford Bridge annihilé de son âme populaire à coup de millions et de tarfis
prohibitifs…
Pourtant
que de souvenirs de cette Angleterre du football populaire restent liés, ancrés
au stade de Fulham Road, à cette tribune mythique qu’était le Shed en
particulier, là ou dans les années 70 hooligans et skinheads se mélangeaient.
Là où des milliers de Skinheads s’entassaient chaussés de Doc Martens, en
Levi’s, polo Fred Perry, chemise Ben Sherman et en Harrington, entonnant à
l’unisson The Liquidator, (du musicien jamaïcain Harry.J All Stars) chanson
toujours entendue à Stamford Bridge en avant match d’ailleurs, seule relique
d’une époque (dé)passée…
Que
de souvenirs aussi de ces années 80, plus violentes encore car dès lors la
grande majorité des skinheads sont blancs. C’est le début de la récupération politique par l'extrême
droite britannique avec les Headhunters, la « Firm » de Chelsea
qui symbolise cette bascule
idéologique…
De cette époque, John King,
devenu aujourd’hui une des références en la matière, a
écrit de nombreux livres sur ce sujet et sur d’autres tels que : The
Football Factory, Headhunters ; England Away, White Trash, Skinhead, Human
Punk, The Prison House…
Dans
« Football Factory », là où l’on fabrique cette violence pure pour un
pied total (son premier livre, édité en France en 1999) il nous dit comment le
hooligan aime (aimait ?) donner et prendre. Avec King, on comprend un peu
mieux le mécanisme. En Angleterre, où l’on hésite encore entre puritanisme et
libre marché débridé, ce type de livre a d’abord choqué les
esprits, ils se sont ensuite multipliés via de nombreux autobiographies de hooligans devenus aussi mythiques que leur club ou leur Firm (Cass Pennant, Jason Marriner, Gilroy Shaw, Tony O'Neill, Mark Chester...) Un film a même suivi en 2004 (photo liée)….
Extraits,
loin très loin de ce qu’a pu être Stamford Bridge hier soir…
« Mark
et Rod nous rejoignent, nous approchons du stade. Je suis complètement éclaté
intérieurement. L’excitation est toujours là, je sens tout mon corps qui vibre.
Ça semble bizarre, mais c’est vrai. C’est encore mieux que de baiser une
gonzesse ou de rouler à fond les manettes. Mark a la tête dans un drôle d’état,
mais il ne saigne plus. Mes jointures sont abîmées. Rod fait des yeux bizarres,
il a l’air vaguement déjanté. Nous nous mêlons à la cohue pour entrer dans le
stade. Déjà on entend le murmure de la foule à l’intérieur et le chant de
Chelsea, repris sans arrêt. Ça, c’est la vie. »
« Quelques
gars commencent à démolir un mur à coups de pieds, en faisant voler des briques
et des morceaux de ciment. Black Paul nous passe des demi-briques. Un pro qui
connaît son boulot. Ça me fait rire. Rod et Mark ont les yeux brillants. Je me
retrouve avec un bloc de ciment armé dans la main, le morceau de fer dépasse en
plein milieu, et nous voilà en train de courir dans la rue et j’entends ce
son-là, un son unique, cette vibration qui vient de quelque part au fond de
toi, à l’intérieur quand tu mets la pression. »
« Je
finis par me faire ce pauvre lutin qui rebondit contre le mur et tout Chelsea
lui tombe dessus, le gars disparaît au milieu des coups de pieds qui le chopent
en pleine tête et, l’espace d’une seconde, je vois ses yeux qui deviennent
vitreux, il essaie de survivre le mec [...]. Les flics s’élancent, essayant de
toper les gars les plus jeunes, mais ils savent déjà que c’est foutu pour eux.
Nous serrons les rangs, ils sont bons pour une branlée. J’ai à moitié envie de
rire et de hurler, car nous sommes à Tottenham, le trou du cul du monde et que
les flics ne mettent pas de caméras dans les quartiers pauvres. Ce qui les
intéresse, c’est de protéger la City et les connards friqués de Hampstead et
Kensington. Ils en ont rien à foutre des paumés d’ici (…) D’autres flics
arrivent. Ils ont déployé leurs boucliers et tentent de barrer la route à
Chelsea qui avance toujours, des gosses, des vieux mecs, tous ensemble. Ça,
c’est le paradis. Ça, c’est un fameux samedi après-midi. »