dimanche 4 avril 2010

Sport nationaliste et rôle identitaire...

Le football reste le seul sport qui offre une telle possibilité d'affirmation de toutes les identités collectives. Des clubs de quartiers aux plus grands clubs mondiaux, des championnats amateurs aux compétitions internationales, le football, sport de masse, plus que sport populaire désormais, reste pourtant une des rares références communes d’une culture disloquée par la mondialisation, ignorant la pluralité des nations, des régionalismes, des différences culturelles (voire cultuelles), et des contradictions générationnelles…

Les sociétés Européennes, (tout comme les pays d’Amérique du sud) érigent désormais ce sport en paradigme de la vie collective avec souvent une vision politique (politisée) de la chose…

Cette passion planétaire est devenue un baromètre sensible des relations internationales, des antagonismes entre pays, des aspirations nationalistes. Au fil du (des) siècle(s) passé(s), les clubs de football et les équipes nationales sont devenus des emblèmes majeurs des États Nations.

Aujourd'hui, un État ou un projet d'État, c'est un territoire, une population, un gouvernement, une armée et une équipe de football. Une des premières mesures des nations nouvellement indépendantes est d'ailleurs de demander leur rattachement à la FIFA et parfois, cette affiliation précède l'indépendance (c'est le cas de la Palestine), si bien que la FIFA compte plus de membres que l'ONU.

La promotion du football en moyen de mobilisation et en arme de propagande a pris son essor dans l'entre-deux-guerres à l'époque où s'affirment les totalitarismes. Les 2éme et 3émé éditions de la Coupe du Monde (créée en 1930), qui se déroulèrent en Italie (1934) et en France (1938), furent l'occasion de véritables démonstrations nationalistes et idéologiques.

Dans l'Italie Mussolinienne, les succès de la squadra azzurra, lors de ces deux compétitions, furent présentées comme des preuves de la supériorité du fascisme sur les démocraties. Les joueurs furent promus par le Duce en soldats de la cause nationale.

De façon plus générale, les compétitions internationales réveillent et amplifient des sentiments d'hostilité hérités de l'histoire. Il suffit pour cela d’évoquer l'atmosphère longtemps belliqueuse qui a régné sur les matchs France-Allemagne, Hollande-Allemagne, Pologne-Russie, Angleterre-République d'Irlande, les tensions qui s'exprimèrent lors du France-Algérie de triste mémoire au stade de France et est-il besoin de rappeler qu'un match de football déclencha même une brève guerre entre deux nations voisines et hostiles, le Salvador et le Honduras, en 1969 ?

Ces affinités entre football et guerre ont une traduction immédiate, ainsi deux nations en conflit ouvert ne disputent pas entre elles de match de football.

Mais le football n'est pas seulement un moyen de mobilisation et de confrontation entre États. Il a été et demeure un puissant catalyseur des revendications nationalitaires de peuples aspirant à l'autonomie ou à l'indépendance. En Espagne, le Barça, avec ses 110 000 socios a été et demeure le vecteur de la revendication Catalane ; ses laudateurs le définissent comme la sublimation épique du peuple catalan dans une équipe de football, comme une armée sans armes, l'ambassadeur d'une nation sans État, etc. Ces qualificatifs ne sont pas purement métaphoriques. Durant la dictature de Primo de Rivera, puis pendant celle de Franco, l'étendard bleu-grenat du Barça était brandi à la place de la Senyera, le drapeau catalan, qui était interdit. De même, le club de Bilbao, l'Athletic, a été et demeure l'emblème des revendications basques.

En Europe de l'Est, les oppositions entre équipes de football préfigurèrent l'éclatement des républiques fédérées. En Tchécoslovaquie, les matchs entre le Slovan de Bratislava, soutenu par les Slovaques, et le Sparta de Prague, symbole de l'identité tchèque, donnaient lieu à des affrontements brutaux entre supporters, tout comme, en URSS, les rencontres entre le Spartak de Moscou et le Dynamo de Kiev. L'explosion de la Yougoslavie fournit l'exemple le plus récent et le plus vif des liens entre football et nationalisme…

On notera que les compétitions de football ont, par ailleurs, largement été utilisées par les instances internationales et par les États comme ballons d'essai ou comme signaux de défiance ou de rapprochement. En 1992, l'équipe de Yougoslavie fut exclue du championnat d'Europe des nations pour punir le régime de Milosevic coupable aux yeux des dirigeants Européen de mener la guerre en Yougoslavie. L’UEFA ou la FIFA rejettent pourtant officiellement toute ingérence des Etats dans les compétitions organisées sous leurs égides…