mercredi 7 avril 2010

Yougoslavie : La guerre qui a commencé dans les stades…(Vol II)


La Serbie et la Croatie sont les seules à avoir des équipes capables de s’imposer dans des compétitions internationales, notamment en football où la politisation des groupes de supporters remonte au milieu des années 1980.

En exprimant leur attachement à leur club, les supporters manifestent de plus en plus des sentiments d’appartenance nationale, tout en exprimant leur antipathie pour les autres communautés. Des banderoles avec des messages politiques, des portraits de dirigeants nationaux, de saints ou de grandes figures nationales font leur apparition dans les tribunes. Les drapeaux que l’on brandit sont de plus en plus souvent les drapeaux interdits par le régime communiste yougoslave, qu’il s’agisse du drapeau de la Serbie royale ou de la bannière croate à l’échiquier rouge et blanc, souvent frappé du «U», du régime collaborationniste des oustachis de la Seconde Guerre mondiale.

Dès 1989, début de l’époque charnière de l’éclatement de la Yougoslavie, les médias Belgradois dénoncent ce qu’ils désignent comme une hystérie nationaliste chez les supporters des clubs croates de Split, Zagreb ou Dubrovnik. Les supporters du Dinamo de Zagreb et Hajduk de Split sont particulièrement stigmatisés pour leur violence exaltée.

On dénonce les « clameurs pro-fascistes » qui s’élèveraient du stade Maksimir de Zagreb et les dirigeants politiques croates sont directement accusés d’entretenir de tels sentiments.

Dans ce contexte, la traditionnelle rivalité entre les deux grands clubs Belgradois passe au second rang. Les « Cigani » (manouches en serbe), supporters de l’Étoile Rouge et les « Grobari » (fossoyeurs) supporters du Partizan, oublient leurs antagonismes et les surnoms insultants (qu’ils se donnent) et serrent les coudes face à ceux qui désormais apparaissent comme l’ennemi commun.

D’ailleurs les médias Serbes et proches avec le pouvoir central sont beaucoup plus tolérants s’agissant  des supporters des clubs Serbes en évoquant seulement quelques éléments perturbateurs dans le public du Partizan et de l’Étoile Rouge.

De fait, le nationalisme des supporters Belgradois serait l’oeuvre d’agents provocateurs, naturellement à la solde des partis d’opposition. En l’occurrence, d’un homme, Vuk Draskovic, le leader de l’opposition serbe. En effet, au cours de l’année 1990, on pouvait entendre les supporters de l’Étoile Rouge entonner ce chant : « Étoile, Étoile, crions d’un seul élan, Vuk Draskovic est dans nos rangs ».

L’écrivain monarchiste Vuk Draskovic (qui sera ensuite Ministre des Affaires étrangères jusqu’en 2007) proclamait un nationalisme exacerbé (avant de se rallier au pacifisme dès le début effectif des guerres) Son parti, le Mouvement serbe du renouveau (SPO) s’engageait alors fortement dans une réhabilitation des nationalistes serbes de la Seconde Guerre mondiale, les tchétniks, et de leur chef, Draza Mihajlovic


Le régime de Slobodan Milosevic comprend vite la menace car en s’infiltrant dans les clubs de supporters (et en nouant des liens étroits avec les milieux criminels), l’opposition risque de devenir hégémonique dans les rues de la capitale. S’assurer du contrôle des manifestations sportives et des clubs de supporters devient dès lors une priorité politique pour le pouvoir de Milosevic…