mardi 22 juin 2010

22 Juin 1986 : Quand "Barrabravas" Argentins et "Hooligans" Anglais ont refait la guerre des Malouines…


22 Juin 1986, tandis que jusqu’alors, les rencontres entre l’Argentine et l’Angleterre n’avaient jamais présenté de signe particulier de rivalité, le match qui les a opposés en quart de finale de la Coupe du Monde 1986 au Mexique a déclenché un véritable déferlement de violences entre supporters des deux camps.




Il faut en fait se souvenir que ce match avait été rendu particulièrement périlleux par la « guerre des Malouines » qui avait vu les deux pays se combattrent quatre ans auparavant…

Beaucoup en Argentine avaient vu dans ces retrouvailles sportives une occasion de se venger sur l'Angleterre de la défaite militaire et d’incidents au cours des combats comme le naufrage, dans des circonstances (jugées en Argentine) méprisables, du navire de guerre General Belgrano, qui avait entraîné la mort de 323 marins, soit la moitié des pertes de l'Argentine durant ce conflit…

Ainsi pour chaque match de la sélection Albiceleste durant cette Coupe du Monde Mexicaine, les hinchas Argentins exhibaient des banderoles « Les Malouines sont Argentines » accompagnées de chants nationalistes et provocateurs appelant à « tuer les Anglais »…La présence parmi les supporters Argentins de membres des barras de Chacarita et de Boca Juniors conjuguée à l'arrivée massive de hooligans anglais avaient dès le début de la compétition soulevé de grandes craintes d’affrontements entre les deux camps surtout en cas de confrontation directe, ce qui sera le cas en quart de finale..

La tension (politique) était telle, que des rumeurs avaient même circulé au Mexique sur une intention de députés péronistes de demander à la sélection Albiceleste de se retirer de la compétition si elle devait jouer contre l’Angleterre, ce que l’AFA (Fédération Argentine de Football) avait dû démentir via un communiqué.

L'ombre de la guerre des Malouines planait donc depuis longtemps sur cet Argentine - Angleterre qui se jouait le  dimanche 22 Juin 1986 au Stade Azteca de Mexico…

Si les joueurs et les dirigeants des deux équipes s'étaient efforcés de retirer de ce match de football toute connotation politique, il suffisait ainsi d'ouvrir dans les jours précédents cette affiche les pages du principal journal mexicain Excelsior, pour y trouver un titre affichant :  « Ne manquez pas dimanche 22, la deuxième version de la guerre des Malouines : Argentine - Angleterre », suivie par une publicité offrant des billets pour le match…

Explicite et au final quasiment de la prédiction, car malgré une surveillance étroite de la (redoutable) Guardia de Infantería Mexicana, les noyaux durs des deux camps de supporters parviendront à se retrouver et à s’affronter à l'intersection des avenues « Reforma » et « Revolución » au pied de la colonne de « l’ange de l’indépendance »…

Le plus gros du contingent Argentin était constitué de barrabravas de la « 12 » la Barra de Boca dirigée par José Barrita « El Abuelo » et de la Banda de San Martin de Negro Vilches et Gordo Roque, celle des Funebreros de Chacarita Juniors.

Pourtant les deux barras « traînaient » un antagonisme récurent depuis notamment le 4 Novembre 1984, quand des barras de Boca avaient tenté d'entrer sans billets dans le stade de Chacarita, et après s’être confrontés aux forces de police s’étaient attaqués à des supporters locaux, qui avaient rapidement réagi à l'agression.

El Abuelo, le chef de La 12, avait donc établi un pacte de non-agression avec ceux de Chacarita et les deux barras avaient voyagé ensemble au Mexique, et uni leurs forces pour faire face aux hooligans Anglais. (Elles ont également fait la Coupe du Monde Italienne en 1990, mais se sont finalement battues quand les Xeneizes ont gardé l'argent qui avait été collecté par les deux groupes avant la Coupe du Monde et qui devait être réparti selon un accord qui ne sera pas respecté…)

Le déplacement de la Barra de Boca Juniors avait été financé par Antonio Alegre, alors Président du club Xeneize, et une collecte avait aussi été organisée par Diego Maradona lui-même parmi les joueurs Argentins…

La « barra » avait de plus été « renforcée » par des militants politiques, syndicalistes et des expatriés Argentins, endurcis aux batailles politiques des années 70 et aux techniques de combat et de guérilla urbaine. C'était une force de frappe redoutable. Tous étaient (plus ou moins experts) dans les combats de rue et les luttes au corps à corps…

Il faut aussi savoir que quelques dizaines de supporters écossais s’étaient ralliés aux Argentins pour l’occasion, histoire « de faire payer » à leur homologues Anglais leur haine ancestrale des sujet de sa gracieuse majesté, historiquement considéré en Ecosse comme des « occupants », tout comme les Argentins considéraient les Anglais au sujet des « Islas Malvinas » (Iles Malouines)…

Pour les deux groupes c’était donc une question d'honneur, l’affrontement était inévitable et la déroute des Anglais fût mémorable…

Des dizaines de blessures légères, 72 admissions dans les hôpitaux (dont une trentaine de blessés graves) et une déroute totale des « forces » Anglaises, obligées de battre en retraite, laissant le terrain et abandonnant des « Union Jacks » et des « croix de St Georges » ensanglantés aux barrabravas Argentins.

Plus tard et désormais « maîtres de la rue », les Argentins fêteront leur(s) victoire(s) (la sélection albiceleste avait éliminé l’Angleterre grâce à la désormais célèbre « Mano de Dios » jusqu'à l'aube, en agitant les drapeaux Anglais tels des trophées pris à l'ennemi. Durant de longues années et encore maintenant certains de ces « prises de guerres » ont été présentes dans les secteurs de la « Banda de San Martin » et de la «12 »

Pour tout Argentins présents à Mexico, la guerre des Malouines n'avait pas pris fin avec « l’infâme reddition de Galtieri »…