jeudi 17 juin 2010

Mondial 2010 : La Republika Srbija, pour refaire (encore une fois) son Histoire…


Le match de vendredi entre la Serbie et l’Allemagne en Coupe du Monde pourrait être le symbole de l’évolution politique de l’Europe durant la deuxième partie du XXème siècle avec d’un côté une Allemagne unifiée après la chute du mur de Berlin tandis que la Serbie de son côté est le résultat de l’implosion de l’ex Yougoslavie et du bloc soviétique…



De fait, depuis la fin de la Socijalisticka Federativna Republika Jugoslavija (République Fédérale Socialiste de Yougoslavie), la Serbie a connu une évolution de son football fortement impactée par ses mutations politiques. Ainsi alors que la Yougoslavie semblait au début des années 90 posséder une génération de joueurs plus que prometteuse, les guerres et les volontés sécessionnistes de ses principales composantes (Croatie, Bosnie, Monténégro…) ont emporté avec elles et le sang versé toute cette génération de joueurs de talent et quelques autres après…

Un match va devenir la référence historique de la lutte engagée contre le pouvoir central Yougoslave, c’est-à-dire contre les Serbes quand le 13 mai 1990, le Dinamo Zagreb reçoit l'Etoile Rouge de Belgrade au stade Maksimir, un match classé à haut risque à cause des tensions politiques existantes entre Serbes et Croates. Lors de ce match, le capitaine de l'équipe croate, Zvonimir Boban, régulièrement sélectionné en équipe nationale Yougoslave assènera un coup de pied à un policier en réaction aux violences de la police, majoritairement composée de Serbes, contre les supporters Croates.

Ce match arrivait juste au moment où les débats s'enflammaient entre composantes éthniques de la Yougoslavie et alors que les supporters de l'Etoile Rouge ont commencé à insulter les supporters du Dinamo Zagreb, la foule de supporters Croates réussit à rentrer sur le terrain. Il est à noter que ce match avait une connotation particulière pour l’ensemble des supporters Croates, puisque n’étaient pas seulement présents les Bad Blue Boys de Zagreb mais aussi la Torcida Split, la Kohorta Osijek et l’Armada Rijeka unis face aux Serbes dans ce qui pouvait déjà constituer symboliquement un match Croatie – Serbie. Les violences se poursuivront dans les rues de Zagreb…

En Juin 1991, la Croatie comme la Slovénie déclara son indépendance entraînant une riposte nationaliste du gouvernement fédéral yougoslave qui ne reconnut pas cette déclaration et au nom de la préservation de l'État fédéral et de la minorité serbe de Croatie, engagea une guerre (ethnique) avec l'armée (officielle) yougoslave et des groupes paramilitaires serbes. La guerre commença au moment même où l’Etoile Rouge de Belgrade, pluriethnique, des Robert Prosinecki (Croatie) Dejan Savicevic (Montenegro), Sinisa Mihajlovic (de père Bosniaque et de mère Croate, qui restera fidèle à la Youoslavie) Darko Pancev (Macédoine), Stevan Stojanovic (natif de Mitrovica au Kosovo) vient de gagner la Coupe d’Europe des Clubs Champions (actuelle Ligue des Champions). Avec cette génération, la Yougoslavie se qualifie avec brio pour l’Euro en Suède avant que la FIFA sous la pression ne la disqualifie pour raisons politiques

En 1995, les combats prennent fin et la Croatie entre de plein pied dans le concert des nations. Désormais, la guerre sera (avant tout) footballistique. De leurs côtés, les Serbes  reconstruisent leur football. La sélection garde la couleur bleue pour son maillot et le drapeau yougoslave débarrassé de l’étoile rouge. Ils gardent cette tenue bleu-blanc-rouge, réminiscence nostalgique des participations Yougoslaves aux Coupes du Monde de 1974 et 1990. Politiquement la Serbie se recentre vers le grand frère Slave de Russie tandis que la Croatie reçoit le soutien des Occidentaux et entre dans un processus de modernisation. Ainsi longtemps , la Serbie s’accrochera à son vieux rêve d’unité Yougoslave. Si la fédération des Slaves du Sud a disparu depuis 1992, il faut attendre 2003 pour qu’elle disparaisse enfin officiellement. Elle prend alors le titre de Serbie-Montenegro, dans le prolongement de cette fin des années 1990 marquées par l’abandon du nationalisme serbe avant de se séparer du Monténégro. C’est le refus du nationalisme signifié par l’abandon du « nom » de Yougoslavie qui avait permis à la Serbie-Monténégro de retrouver l’élite du football en 2006, un retour qui se fait dans la douleur avec trois défaite contre l’Argentine, la Hollande et la Côte d’Ivoire….

Il est temps de repartir à Belgrade, d’autant que le rêve de la grande fédération Serbe s’efface un peu plus en 2008 avec l’indépendance (autoproclamée) du Kosovo. En 2010, l’aigle bicéphale Serbe de la dynastie Nemanjic peut enfin s’envoler de ses propres ailes pour l’Afrique du Sud et malgré la (surprenante) décevante défaite initiale face aux Black Stars du Ghana, la Serbie marque son retour au sommet du football, emmené par Dejan Stankovic qui participe ainsi à sa troisième Coupe du Monde. La première sous le maillot de la république Fédérale de Yougoslavie en 1998, puis sous celui de la Serbie-Monténégro en 2006 et enfin sous celui de la Serbie cette année ce qui fait de lui le premier footballeur à avoir joué pour trois sélections en Coupe du Monde.

Tout un symbole dans un pays en perpétuelle mutation depuis une vingtaine d'années...