Pendant la trêve et même durant un Coupe du Monde qui n’aura jamais été aussi insipide dans les tribunes que lors de ce premier Mondial en Afrique (on peut déjà parier sur les mastres aux vuvuzuelas dans les tribunes des stades français à la reprise…) on va se prendre le temps, occasionnellement et en attendant la reprise des hostilités de revenir sur quelques évènements survenus l’année dernière et cette année…
Les corps ne se comptent pas encore comme les
buts en Bulgarie, Bosnie ou République Tchèque. Mais le football fait des
victimes, sans que la FIFA ou l’UEFA, ne s’inquiètent trop…
Dans le football balkanique, ce n’est pas la
profession de joueur, de coach ou de patron de club qui présente les meilleures
perspectives à long terme mais celle d’entrepreneur de pompes funèbres. Dans
certains pays et certains clubs de football d’Europe de l’Est, il est
préférable de faire ses adieux aux êtres aimés et de donner ses mensurations
aux assistants funéraires et aux embaumeurs avant que d’accepter d’exercer les
fonctions suprêmes.
Si vous décidez par exemple d’investir dans un
club local, évitez de porter votre choix sur le fameux club bulgare du SLAVIA
FC (à ne pas confondre avec le SLAVIA Prague !). Il y a quelques années, une
bombe de forte puissance a mis sur orbite un ascenseur de l’immeuble où était
domiciliée la holding du club. Score final : un administrateur et ses
trois gardes du corps vitrifiés. 8 mois plus tard, un autre administrateur,
cette fois accompagné de ses 5 gardes du corps, a terminé dans d’assez
mauvaises conditions, un vol en rase motte au-dessus de la pelouse du stade. À
se demander si ça vaut la peine de se payer une protection rapprochée. Dès le
mois suivant, un nouvel administrateur décédait prématurément d’une balle en
plein cœur.
SIX FEET UNDER FOOTBALL
Toutes ces péripéties et bien d’autres ont été
révélées par une enquête remarquable conduite en Europe orientale par un groupe
international de journalistes. Assassinats, fraudes diverses et surtout
fiscales, vols en tout genre, blanchiment de capitaux, matches truqués,
mainmise du crime organisé sur le football, sont le lot quotidien des clubs des
ligues les plus exposées. Un autre club très prisé des fournisseurs bulgares de
services funéraires est le Lokomotiv de Plovdiv. Un ancien champion de lutte
gréco-romaine, le très gracile George Kalapatirov en avait (très
provisoirement) pris le contrôle. Une balle en plein cœur mit fin à son règne.
George Prodanov lui succéda dans des circonstances difficiles. Lorsque la
police est parvenue à extraire ses restes de sa voiture, elle a constaté que le
système de freinage avait été sauvagement saboté. De manière quasi miraculeuse,
3 longues années de tranquillité ont suivi le décès de Prodanov avant que les
fusillades ne reprennent de plus belles. On célébra la nomination d’un nouvel
administrateur à la Kalachnikov. La retraite forcée du malheureux fut suivie
d’une nouvelle trêve. En 2005, 3 nouveaux administrateurs furent violemment
rappelés à Dieu avant d’avoir eu le temps d’honorer les factures de leurs
gardes du corps.
En Bosnie, on assassine nettement moins mais on vole
d’avantage. Environ 1 million d’Euros destinés au Trésor Public local a disparu
des coffres de la fédération Bosniaque. Son secrétaire général, l’élégant Munib
Usanovic et le trésorier sont accusés de détournements. Quand ils n’étaient pas
affairés à se consentir mutuellement des prêts sans intérêt, ils égaraient
malencontreusement toutes traces d’une mystérieuse sortie de 250 000 euros.
L’expert nommé par le tribunal pour faire la lumière déclara sous serment qu’en
20 ans de missions, jamais encore il n’avait vu une comptabilité aussi mal
tenue. En passant en revue les performances du Comité Exécutif de la
fédération, on comprend mieux comment on en est arrivé là : l’un des
membres éminents a été condamné pour vol qualifié, extorsion de fonds et tentative
de meurtre. L’un de ses confrères a été condamné l’année dernière pour
appartenance au crime organisé. Un troisième larron conteste vigoureusement
être impliqué dans un trafic de drogue.
EN BOSNIE, LA TACTIQUE EST AU VOL
La Ligue bosniaque est la parfaite illustration
des maux qui ronge son football. On a relevé par exemple qu’au cours de la
saison 2007-2008, seules 10% des équipes qui disputaient des matches à
l’extérieur parvenaient à l’emporter, contre 27% en Angleterre et en Allemagne
et 29% en Espagne. Les relégations n’ont pratiquement plus cours et les stades
sont progressivement désertés par les spectateurs. Les supporters du FC
Sarajevo ont demandé sans aucun résultat, l’intervention de la FIFA et de
l’UEFA.
Dégoûté, le défenseur des Glasgow Rangers,
l’international Sasa Papac vient de décider qu’il n’honorerait plus ses
sélections en équipe nationale. Pour ne pas être en reste, 2 clubs ukrainiens
viennent d’être étiquetés comme « les quartiers généraux du crime organisé
». Lorsque la police a fait une descente dans les locaux du Zakarpattya, elle a
arrêté 36 hommes armés jusqu’aux dents qui ont expliqué, pour leur défense,
qu’ils préparaient une réunion électorale. La Police a admis qu’environ 150
hommes armés étaient parvenus à prendre la fuite. Un autre aspect de l’enquête
conduite par le « Projet de Rapport sur le crime organisé et la corruption
dans le football » a porté sur l’examen approfondi des conditions de transfert
vers l’Europe, de joueurs originaires d’Amérique Latine. L‘équipe de journalistes
n’a dénombré qu’un seul meurtre. Elle a constaté en revanche que le
propriétaire d’un club bulgare réputé, faisait également dans le narcotrafic,
la prostitution, les jeux clandestins et le vol de voitures de grosse
cylindrée. L’amoureux du sport avait entrepris de blanchir ses recettes au
Paraguay. Une balle perdue a mis un terme prématuré à son petit commerce…
AGENTS FANTOCHES ET FIFA FANTÔME
Le rapport révèle également les noms de joueurs
et d’agents connus, associés à ceux d’obscures sociétés offshore caribéennes,
luxembourgeoises, irlandaises ainsi que d’Andorre et de Gibraltar qui sentent
bon l’évasion fiscale et les combines en tout genre. Rien que de très
banal !
L’équipe d’enquêteurs, bien entendu, a demandé à
la FIFA de commenter l’implication d’agents licenciés dans ces activités
extra-sportives. Elle n’a reçu aucune réponse…
Au vu de cet inventaire inquiétant, on pouvait
légitimement s’attendre à ce que Michel Platini, le président de l’UEFA,
brandisse l’impressionnant gourdin de la Fédération européenne en direction de
la voyoucratie qui ronge le football Est-Européen. Il n’a manifesté qu’une
indifférence un brin gênée. Quand on lui a demandé ce qu’il pensait des 160
membres officiels du football polonais impliqués dans des matches présumés
truqués, il s’est contenté de déclarer « je ne suis ni un juge ni un
policier » ajoutant que les problèmes nationaux devaient être résolus
localement.
Et lorsque le gouvernement polonais l’a pris au
pied de la lettre en octobre dernier en décidant de suspendre sa fédération,
comme un seul homme, Platini et Blatter ont immédiatement volé au secours des
présumés ripoux, en menaçant à leur tour de suspendre la fédération polonaise
et de la priver de participation aux éliminatoires de la prochaine Coupe du
Monde si les choses ne rentraient pas « dans l’ordre ». Pas étonnant dans
ces conditions que Blatter et Platini bénéficient d’un soutien (électoral) sans
faille de la part des instances Est-européennes du football…
Traduction littérale d’un article d’Andrew
Jennings
Journaliste d'investigation, Andrew Jennings a
d'abord travaillé à la fin des années 1960 pour le Sunday Times et autres
journaux anglais, avant de décrocher un poste à la BBC. Quand la chaîne refuse,
en 1986, de diffuser son documentaire sur la corruption à Scotland Yard, il
décide de transformer ce dernier en ouvrage et le publie sous le titre
'Scotland' s Yard Cocaine Connection'. Après la publication du livre, son film
est finalement projeté sur les ondes. Il se spécialise ensuite dans le domaine
des dessous du sport. Notamment auteur d'une enquête fouillée sur les travers
du CIO (Comité International Olympique) il publie en 2006 Carton rouge :
les dessous troublants de la FIFA', livre choc qui suscite la colère de la
Fédération internationale de football et de son président. Habitué des
scandales et autres troubles affaires, Andrew Jennings n'hésite pas à provoquer
la polémique…