Aujourd'hui, Avellaneda va connaître une
nouvelle journée de fièvre avec son clasico entre Independiente et le Racing.
L’occasion avant ce match de retrouver une évocation de ce match déjà publié à
l’époque et que nous avait transmis, Fabri, un « hincha» des « Diablos Rojos de
Avellaneda » de passage en Argentine du clasico de Avellaneda, version 2008...
Après un début de semaine passé dans le Nord avec ma famille, je descends enfin sur Buenos Aires jeudi matin où m'attendent Lucas et Marco mes amis de Los Pibes Del Codo, une peña de la Barra d'Independiente.
Après un début de semaine passé dans le Nord avec ma famille, je descends enfin sur Buenos Aires jeudi matin où m'attendent Lucas et Marco mes amis de Los Pibes Del Codo, une peña de la Barra d'Independiente.
Pour vous expliquer rapidement, que ce soit
avec el Rojo ou n'importe quel club d'Argentine, la structure des tribunes n'a
pas grand chose à voir avec celle qu'on connait en France, en Italie ou en
Grèce.
Tous les supporters actifs ont va dire sont réunis pour former la Banda
del Rojo ou Barra del Rojo qui n'est qu'un simple mouvement populaire lui même
formé par une multitudes de groupuscules qu'on appelle les peñas. Chaque peñas réunis les amoureux
d'Independiente.
Un des gages de qualité pour une hinchada
argentine c'est d'avoir un maximum de peñas, pas seulement dans le « Gran
Buenos-Aires » mais aussi partout en Argentine et dans le monde.
Chaque peñas a son chef, et entre ces chefs certains deviennent les chefs du mouvement de la Barra Brava. Bien entendu il y
a un responsable unique de la Barra. Celui qui traite avec les autorités
lorsqu'il y a un problème et vérifie que la Banda a assez d'argent pour le
matériel de chaque match.
La journée est assez ensoleillé aussi, avant
de se rendre à Boyaca prendre les places, on décide avec mes collègues d'aller
manger chez Fredi un pote qui, je ne le savais pas encore, appartient à La
Banda Del Infierno Murguero. Ce groupe est celui qui s'occupe des animations
sonores de la Barra. "Muguero" pour la Murga qui est un ensemble de
rythme et de percussion qui font des chants d'Independiente les meilleurs
d'Argentine (River n'a pas de Bande Murguera par exemple). Bref je vais pas
vous bassiner avec ça... Retenez simplement qu'une Banda Murguera c'est le cœur du
peuple.
Déjà première grillade arrosée, bière et
Fernet-Coca coulent à flot. On m'appelle très rapidement el Marsellese (Le
Marseillais) pour mon attachement à Marseille. Curieux de savoir comment sont
les supporters de l'OM qu'ils disent savoir chauds, je leur montre quelques
vidéos et photos du net sur le pc déglingué de Fredi. Ils sont agréablement
surpris par les drapeaux Argentins ou encore le Che géant des Winners. Je leur
explique alors la fascination qu'ont les Marseillais pour les supporters
Argentins.
Cette nouvelle les a clairement enorgueilli
! Alors lorsque j'ai dit que je n'étais pas le seul supporter d'Independiente
de Marseille la joie était au rdv et ils ont clairement voulu marquer le coup
en faisant une nouvelle tournée.
Une fois nos places acquises (+ d'1h
d'attente) pas le temps de trop se reposer qu'on file chez Enrique, un mec de
la barra tatoué jusqu'au cou, qui a un garage assez spacieux et une énorme tête
de diable peinte sur un mur. Avec le matos déjà par terre pour former des
drapeaux rouges qui serviront pour l'entrée des joueurs, ont se met au
travail.
Une heure 1/2 plus tard après plus de 200
drapeaux flambants neuf Marco décide, avec Manuel un gari de la peña Rojo Monte
venu pendant qu'on montait les drapeaux, que je les accompagnes dans un
locutorio (Sorte de cyber en Argentine) et me demande à ma bonne surprise de
remontrer les tifos de l'OM mais à son collègue cette fois-ci.
Moyennant un billet destroy de 2 pesos on se
paye une séance bien sympa de visionnage pour enchaîner au Britanico boire un
coup. Il est déjà 18h passé. Marco me parle de la peña du Peru, de la
fraternité Independiente-Lima, enfin on parle d'une éventuelle amitié avec
l'OM.
Manuel le mec de l'autre peña me dit qu'il
est inquiet pour la rencontre. La pression est assez énorme. Déjà c'est un
classico mais en plus si Independiente gagne il envoie leur pire ennemis en
division inférieur. Les autorités flippent et mettent la pression sur les
peñas. Il me parle des différentes banderoles qu'ils confectionnent pour
Samedi. Bien que je sois complètement crevé à cause du foutu voyage de 18h en
bus j'accepte son inviation pour aller mater tout ça.
On va donc chez lui et je découvre trois
banderoles de grande taille (9m2 environ) toutes rouge et blanche disants
"Que Dios me perdone pero amo al Diablo" / "Hijo que te Baya
bien" / "Se Ban los Mitomanos".
Jeu de mot avec B pour division
B (L2 Argentine) elles disent "Que Dieu me pardonne mais j'aime le
Diable" "Fiston bon vent (Fiston dans le sens qu'Independiente est le
Papa et domine donc Racing, bon vent en deuxieme division)" "Les
mythomanes s'en vont". Racing sont vus comme des mythos car ils se croient
grands mais n'ont pratiquement rien gagné et s'invente donc un histoire.
On laisse Manuel et on repart direct chez
Fredi pour récupérer quelques affaires. Fredi m'invite à aller avec lui à la réunion
de quelques membre de l'Infierno Murguero Vendredi en début d'aprem. J'accepte
bien évidemment...
21h passé, je suis dans la maison de Lucas
chez qui je vais dormir jusqu'à mon retour. Une picadita (Apéro) avec quelques
potes du quartier dont Eugenia une diablita (C'est comme ça qu'on appelle les
supportrices d'Independiente) qui était la seule ce soir-là à porter sur elle
les couleurs d'independiente avec son maillot rouge vif cherry
Le match de Samedi monopolise la discussion.
On parle un peu de Boca et de leur parcours en Libertadores. Eu m'apprend
qu'elle danse pour el Murguero Infernal et qu'elle sera demain avec la Banda et
au match en tribune populaire.
Avachi sur mon fauteuille je peux apprécier les
photos accrochées au mur du salon, photos qui furent prises par la Barra.
Certaines datent des années 70 de l'époque del Bocha et des victoires en
championnat et Libertadores. Superbes !
Vers minuit on se barre boire un coup dans
un bar d'Avellaneda. Y'a Lucas, son jeune frangin, Eu, une amie à Eu et moi. Là
ça part en vrille. Un moulon de mecs est aglutiné à une table à côté du
comptoir. Ce sont en fait des gadjos de la Guardia (BB de Racing). Bien que
Lucas les connaisse (Il me l'a dit plus tard) il n'a pas bronché, juste fait
signe à Eu de fermer son sweat pour cacher le maillot.
Les mecs de Racing sont chauds et braillent
des bouts de chansons anti Independiente. Lucas veut qu'on parte tranquille
aussi on se lève et commençons à nous diriger vers la porte de sortie. Là, un
des mecs cri "Vamos Academia ! Que pocos que son los amargos ! No son nada
traigan a la hinchada del rojo para que hagan vulto putos !". Eugenia
visiblement à bloc se retourne, ouvre son sweat, s'avance vers les mecs et
balance "Aca esta la hinchada del Rojo, soy yo, que te pasa fracasado que
te corto lo que te queda de huevos !"
Gros silence. Arrêt sur image sur la gueule
du barman complètement blême. Un verre tombe et pète dans un fraca inhabituel
et me fait sursauter. Le mec après un moment d'hésitation reprend ses esprits
"Que dice esa puta?!" Le barman arrive pour s'interposer avec l'aide
du serveur, les supp' de Racing moins bourrés freinent leur collègue au visage
rouge tomate "'Para ! Que es un chica loco" "Que me importa es
una puta". On profite du bordel pour se barrer rapido !
Le lendemain 14h je retrouve Fredi à la
réunion. Nous sommes une petite dizaine de personnes. À part Eu et Fred je
connais dégun. Il me présente comme "el Marsellese". Super ambiance.
Je rencontre Pata un mec qui m'aborde en me disant "En serio sos de
Marsella ? Noo que copado ! Yo hincho para Marsella !" Pensant qu'il me
charit ou me dit ça pour me faire plaisir je souris mais, comme en transe, il
me dit de passer chez lui après la cosette. Pendant cette dernière on se donne
rdv pour la "prévia" (Fête d'avant match) de Samedi, pour le matos, on règle deux
trois détails pour que la fête soit réussie.
Je pars donc avec Pata, chez lui. Et là la
belle suprise. Le mec me sort le maillot de l'OM away de 2008. "Se parece
un poco a la camiseta de Racing. Eso me embola" me dit-il d'abord. Mais
enchaîne vite "Pero es OM ! Esta bien no ?" Comme si je ne l'avais
jamais vu. En tout cas je l'invite à boire un coup et découvre qu'il connait
encore mieux l'équipe de Marseille que le forumeur moyen de Lephoceen.fr
!
Le soir d'avant match grillade et pizzas
chez Lucas avec le peuple Rouge. Même Enrique l'homme aux tatouages est là. Il
finira par me dire "Al principio no tenia confianza pero ahora me pareces
un tipo macanudo" Je ne savais pas encore que ce fada me préparait une
sacrée bonne surprise. En tout cas je profite de la soirée pour faire plus
ample connaissance avec Eu qu'est vraiment une chouette fille.
Jour de match. Debout vers 8h. On part pour
le stade de Velez. On retrouve Marco avec qui on récupère en route différents
mecs de la Barra avec du matos variés (Pétards, pots de fumée, confettis,
drapeaux, banderoles ...). Certains sont déjà au vin rouge. Et là le fada me
tombe dessus "Cheee el Marsellese !" C'est Enrique ! Il me dit qu'il
a un cadeau pour moi. Il me sort une bâche "Marsella es del Rojo" !
(Marseille représente les Rouges) Bon sang j'ai eu un frisson de bonheur qui
m'a parcouru tout le corps ! Il m'apprend que son surnom c'est Dragon ! Moi je
lui ai juste dit "Gracia gordo !" la larme à l'oeil. Quel cadeau bon
sang ! Le mec me connaissait à peine, mais on est déjà (les) meilleurs potes,
ça aussi c'est l'Argentine !
Au stade vers 9h30. Les flics sont déjà là.
Pas de vie ceux-là !
Je reconnais dans les dizaines de têtes quelques mecs de
la reunion de vendredi aprem. Je cherche Pata, mais je ne le capte pas. On nous
fait déballer tout le matos. On déroule ma nouvelle bâche. Un flic demande
c'est quoi Marseille ? Bon sang quel taré ! Marco essaye de le faire gober que
c'est un village du Chaco (Une région d'Argentine un peu paumée). Presque ça
marche, mais un autre flic moins abrutis ne nous croit pas et demande de ranger
ça où il l'embarque ...À partir de cet instant, j'ai senti que ce match allait
être une cata, et malheureusement je ne me suis pas trompé.
Les flics nous empêchent de rentrer avec la
plupart des drapeaux et bâches. Attouchement prononcé pour la fouille. D'autres
peñas avaient imprimé des centaines de B sur feuille A3. Confisqués aussi !
Avec les sandwichs tant qu'à faire…
El Infierno Murguero commence a taper
quelques rythmes mais déjà l'ambiance a pris un coup dans l'aile. Une fois en
tribune, installation du matos, déploiement des bandes. Arrivée de la Banda
pour chauffer tout le monde. Mais la previa dans le stade est étouffée par la
musique de la sono qui casse tout. Le pire c'est que c'est le club
d'Independiente qui a prévu de mettre la musique à fond.
Les messages de « chambrage » pour Racing
n'ont pas pu être sorti. Entre ceux bloqués par les flics et ceux qu'on a pas
pu déployer dans le stade ... Je pense à Manuel et ses banderoles. Il doit
l'avoir profond lui aussi. Je finis par apprendre que seule 70 pour cent des
tribunes sont remplies. Pour des raisons de sécurité le nombre total de place
vendu a été limité...
Entrée des joueurs, correct mais l'ambiance
est bien pesante, bien loin de la fête que cela doit être !
Le match commence et comble de tout, les
flics mettent la pression sur les capos pour ne pas chanter les chansons anti
Racing. La Barra ne sait plus trop comment gérer l'affaire, ça chante tant bien
que mal. Le moral dans les chaussettes, les boules bien comme il faut.
Deuxième entrée des joueurs plus sympa. Je
retrouve Eu qui m'avait reconnu d'un peu plus haut dans la Barra. On est
quelques-uns avec Marco à ne rien lâcher pour cette deuxième période. Les mecs
des peñas surtout et quelques indépendants forment le groupe des motivés. Les
trompettes soufflent toujours. Sur le terrain le match est pourri. Les joueurs
jouent à deux à l'heure, ça sent l'arrangement. Coup de sifflet sur un
lamentable 0-0.
On reste encore une heure dans le stade à
ranger. On est en milieu d'aprem. On sent qu'on nous a injustement gâché une
fête qui aurait du être historique. La répression au nom de la sécurité. Et le
football populaire qui agonise.