Le
procès des membres des IRR, groupe ultra, nationaliste, ouvertement xénophobe et néo-nazis, qui ont mortellement agressé Brice Taton a repris le
8 novembre et devrait durer jusqu'au 26, date à laquelle est attendu le
verdict. Quatorze personnes sont accusées de "meurtre aggravé" et
risquent jusqu'à 40 ans de prison. Deux individus, considérés comme les
donneurs d'ordre, sont toujours en cavale.
Predrag Simic, un des chefs des Grobari avait déclaré après leurs arrestations « qu’ils avaient pu considérer que les supporters Toulousains leur lançaient un défi en venant groupés au centre de Belgrade (…) Ils auraient dû se déclarer auprès des responsables de la Police et du Partizan de manière à ce que la Police les encadre… »
Depuis
cette agression, les hooligans serbes n'ont pas fait profil bas. Bien au contraire. Le 10 octobre
dernier, ils se sont livrés à une véritable démonstration de force dans les
rues de Belgrade, saccageant et pillant tout sur leur passage en marge de la
Gay pride, qui n'avait pas eu lieu depuis dix ans parce qu'elle attire tout ce que
le pays compte de casseurs et d'ultranationalistes.
Deux
jours plus tard, les ultras serbes mettaient à sac le stade Marassi à Gènes, lors du
déplacement de l'équipe nationale, provoquant des scènes d'une
violence inouïe dont les images ont fait le tour du monde. Ces ultras sont unis
par un même sentiment de haine contre l'Occident, dans ce contexte les
homosexuels étant considérés comme une incarnation de la dégénérescence de l'Ouest…
Pourtant,
l'alliance du nationalisme et du football ne date pas d'hier en ex-Yougoslavie
; on considère même que c'est un match de foot qui a dégénéré entre le Dinamo de Zagreb et l'Etoile rouge de Belgrade le 13 mai 1990 qui a donné le
signal de la désagrégation du pays. Depuis, les clubs de supporters ont
constitué un inépuisable vivier pour les chefs de guerre, tel Zeljko Raznatovic dit "Arkan" (tué en 2000) qui unifia tous les
ultras de l’Étoile Rouge au sein des "Delije". Aujourd'hui, les
grands clubs continuent d'entretenir des liens troubles avec la classe
politique, dont de nombreux représentants siègent au sein des conseils
d'administration, aux côtés d'hommes d'affaires à la réputation douteuse. Les
présidents des associations de supporters gèrent, eux, de confortables fortunes
amassées grâce à la revente de billets achetés en gros ; ils disposent de
surcroît d'une véritable milice privée, constituée de jeunes facilement
manipulables et prêts à se battre.
C’était
le cas des meurtriers de Brice Taton et de plus ces hooligans n'étaient pas
tous des jeunes provinciaux paumés, issus de familles pauvres et sans
perspectives d'avenir. Parmi eux, il y a de nombreux fils de notables, à
l'instar du " vojd " (chef) des ultras serbes à Gènes, Ivan Bogdanov
qui habite chez ses parents dans un quartier chic de Belgrade, en face de
l'ambassade d'Israël et à quelques rues de la résidence d'Ivica Dacic,
le ministre de l'intérieur.
Unis
par leur haine de l'Occident, mais aussi par une "idéologie du sol et du
sang", ces hooligans ont, à la différence de leurs homologues occidentaux,
une importante dimension politique et veulent dès lors saboter l'intégration
européenne de la Serbie. Ils ne cachent pas leur appartenance à diverses
organisations ultranationalistes et d'extrême droite, dont ils constituent la
partie la plus visible et la plus violente. Certains de ces groupes, comme
Obraz, "1389" (l'année de la bataille du Kosovo) ou Sabor Dveri ont une dimension nationale ; d'autres, une implantation plus locale : Nacionalni Stroj (Voïvodine), Nasi (Serbie centrale), Nomokanon (Belgrade)…
Mais dans la rue, ils agissent (souvent) de manière concertée malgré leur
antagonisme initial…
Mais
au final, ce qui inquiète le plus les milieux pro-européens de Belgrade sont
les liens que cette nébuleuse peut avoir avec des hommes politiques de premier
plan tels ceux du Parti démocratique de Serbie (DSS) de l'ancien Premier
ministre Vojislav Kostunica et surtout avec l'Eglise orthodoxe serbe car c'est souvent elle qui apporte une
caution morale à ces extrémistes quand ce n'est pas une aide matérielle…