Aujourd'hui,
Rome et tout le Latium (la région de Rome) seront encore une fois en fusion
pour le derby del Campidoglio ou plus simplement le derby Capitolino, car la
Lazio "recevra" la Roma dans ce stade Olympique que les deux
équipes se partagent.
Et
ce 135ème match entre les deux équipes Romaines qui depuis plus de 80 ans
se détestent et s’opposent, est d’ores et déjà annoncé comme exceptionnel entre
une Lazio "capolista" surprise de la Serie A qui s’affirme match
après match comme un sérieux prétendant au titre et une Roma qui n’arrivent pas
à chasser ses doutes après un début de saison très difficile…
Les
médias s’enflamment, tout comme les tifosi, car le contexte particulier qui
fait de cette Lazio un prétendant plus que sérieux au scudetto et de la Roma un
reléguable potentiel donne à ce derby un caractère (toujours) unique. Un
contexte identique à celui du dernier derby di Roma mais avec des rôles
inversés entre des biancocelesti ambitieux et des giallorossi en plein doute…
Si
l'on retrouve de nombreux derbys dans toute l'Italie : Derby della
Madonnina à Milan, Derby della Mole à Turin, Derby della Lanterna à Gênes,
Derby della Scala à Vérone, celui de Rome reste unique de part son
environnement spécifique…
Ainsi
dans toutes les grandes villes italiennes où apparaissent deux clubs
historiquement implantés, l'origine en est souvent identique : Un club
bourgeois répond à un club populaire ou inversement. Ainsi l'Inter et le Milan
AC, la Juventus et le Torino, la Sampdoria et le Genoa...Dans toutes les
grandes villes, c'est la même chose, la même histoire plus ou moins modifiée au
fil des années, partout, sauf dans une Ville, et pas des moindres, la Capitale
elle-même : Rome
Pourtant,
au début rien ne laissé présager qu'il en soit autrement. Ainsi, le 9 janvier
1900, huit gentlemen romains, Luigi Bigiarelli en tête, fondent la SS Lazio sur
la place de la Liberté, dans le quartier chic du Prati. Lazio (Latium, ou Lazio
en italien, comme la région d'Italie de Rome afin de marquer le caractère
régional du club)
Les
couleurs choisies, bleu ciel et blanc sont celles du drapeau de la Grèce,
patrie du sport en général, des Jeux olympiques en particulier, dont les
fondateurs "laziali" entendent intégrer les valeurs. Quant l'emblème de
l'aigle, symbole de Zeus, Dieu de l'Olympe, mais aussi des légions impériales,
il symbolise par extension la puissance de Rome…
Créée
et soutenue par la bourgeoisie romaine, la Lazio sera donc le premier club de
foot de la capitale, qui en comptera jusqu'à huit : Roman, Lazio,
Juventus, Alba, Fortitudo, Audace, UC Romana, Pro Roma.
Autant
d'équipes dont les identités sociales sont bien définies. C'est d'ailleurs cet
ensemble hétéroclite de clubs diversement impliqués socialement et
politiquement qui servira de combustible à la flambée extrémiste du Calcio
romain.
En
1927, Italo Foschi, un dirigeant passé des rangs fascistes chez les
nationalistes, membre du Comité olympique italien et Président de Fortitudo,
qui a déjà réussi la fusion avec Pro Rome prône maintenant le rassemblement de
toutes les formations de la capitale, pour s'opposer à la réorganisation
gagnante des clubs du Nord de l'Italie. C'est ainsi que naîtra l'AS Roma, le 22
juillet 1927, l'équipe du peuple...
Seule
la Lazio résiste à cette fusion car il est inenvisageable pour les footeux
issus des beaux quartiers, de côtoyer ces ouvriers amateurs de Calcio. Après la
Seconde Guerre mondiale, les rivalités politico-sportives demeurent et les deux
clubs conservent leurs propres identités bien ancrées dans la société romaine.
Lazio la bourgeoise, Roma la populaire, qui "glissent" de part et
d'autre vers l'extrémisme politique qui va bientôt toucher l'Italie
Dès
le début des années 70, le mouvement ultra investit les gradins et se partage
les virages du Stade Olympique : le Nord aux Laziale (en 1979), la Curva Sud aux Giallorossi et des "identités" sociétales qui perdurent avec
le même antagonisme.
Une
fracture se produit lors de la saison 1987/1988 lorsque des ultras plus
agressifs prennent le pouvoir dans les rangs des tifosi de la Lazio, les Irriducibili.
De
l'autre coté, la Curva Sud du mythique CUCS de la Roma se divise en deux entre
le Vecchio CUCS et Le CUCS GAM
Les
premiers symboles de l'extrême droite arrivent début 1990. Une faction
néofasciste paramilitaire, le «Mouvement occidental», a regroupé les skinheads
à Rome. Des supporters des deux clubs s'y retrouvent. En parallèle, le côté
violent des actions des ultras se développe…
Depuis
lors, la distinction politique et sociale qui existait en tifosi de la Lazio et
de la Roma n'a plus lieu d'être et les deux clubs sont en constante surenchère
dans la provocation verbale et physique…Ainsi la Roma, qui affiche à
l'intention des Ciel et Blanc de la Lazio : «Même couleur, même odeur», en
rapport au drapeau israélien ce à quoi les Irriducibili répondent :
«Auschwitz votre patrie, les fours vos maisons»…
Paradoxalement
ces liens politiques n'ont pas rapproché les deux "tifoserie" et
l'antagonisme entre les ultras des deux clubs reste le plus violent d'Italie
avec certainement le derby della Mole entre le Torino et la Juve et le plus
affectif avec celui de Gênes...
Aujourd’hui,
ce seront donc (encore une fois) deux cœurs qui battront dans la Ville
éternelle…