S’il est des matchs dont la symbolique se
veut autant politique que sportive, celui qui opposait cette semaine la
sélection du Pays Basque à la Tunisie au stade San Mames de Bilbao en était
incontestablement un des plus marquant…
Avant le début de rencontre, des milliers de personnes se sont rendues en cortège de l’Arenal bilbaino où une déclaration avait été lue dans l'après-midi réclamant le droit d’avoir une sélection basque, jusqu'au stade de San Mames qui affichait complet…
Avant le début de rencontre, des milliers de personnes se sont rendues en cortège de l’Arenal bilbaino où une déclaration avait été lue dans l'après-midi réclamant le droit d’avoir une sélection basque, jusqu'au stade de San Mames qui affichait complet…
Les origines de la sélection basque
remontent à 1915. Cette année-là, “l’équipe du Nord” dispute et remporte la
Coupe du prince des Asturies. Bien que représentant la Bizkaia, le Gipuzkoa et
la Cantabrie, cette sélection est composée exclusivement de joueurs basques.
D’ailleurs, la sélection espagnole est elle-même composée en grande majorité de
joueurs basques au début des années 1920.
Lors des Jeux olympiques d’Anvers de 1920,
l’Espagne et ses Basques décrochent la médaille d’argent en football. Un succès
remarqué du côté de l’Amérique du Sud où les colonies basques d’Argentine et
d’Uruguay réclamèrent la tournée d’une sélection basque.
En 1922 a lieu le
“voyage des Basques”. L’expédition pour l’Argentine et l’Uruguay comprend des
joueurs de l’Athletic Club, de la Real Sociedad, du Real Union Irun et de
Tolosa. Cette tournée ne rencontre pas le succès escompté et après huit matchs
disputés au lieu des onze prévus (cinq défaites, un nul et deux victoires), les
Basques rentrent au pays. Oubliant l’expérience sud-américaine, la sélection
reprendra le chemin du stade dans les années 1930 avec des matchs réguliers
contre la sélection catalane, comme ce fut le cas de 1915 à 1922.
Pendant la guerre civile, le football ne
reprend sa place qu’à partir de 1937. Au Pays Basque, le ballon rond s’organise
pour récolter de l’argent et aider la cause basque. Ainsi, trois rencontres
sont organisées au Pays Basque entre février et avril 1937 avec pour objectif
de payer un avion à Aguirre, le lehendakari de l’époque. La campagne appelée
“Pro-avión Euzkadi” voit notamment s’affronter deux équipes représentantes deux
partis politiques (Action nationaliste basque – ANV – et Parti nationaliste
basque – PNV –). Le succès est au rendez-vous et le stade San Mames de Bilbo
est plein à craquer. Dans le même temps, le gouvernement basque pense à monter
une sélection pour jouer à l’étranger.
Un match de sélection est organisé entre la
sélection de Bizkaia et celle du Gipuzkoa pour retenir 18 joueurs. “Euzkadi”
est désormais une réalité et la mission de ces joueurs est double. Economique
en récoltant des fonds pour venir en aide aux milliers d’enfants basques
exilés. Politique en faisant connaître l’existence du peuple basque et en
dénonçant la guerre à laquelle se livre l’Etat espagnol. “Notre mission est
purement humanitaire et pacifique”, indique alors le capitaine basque, Luis
Regueiro.
La délégation s’envole de Bilbao direction
Paris le 24 avril 1937. Elle doit disputer deux rencontres et rentrer au Pays Basque,
mais le périple va durer deux ans. Le premier match se déroule au Parc de
princes de Paris contre le Racing de Paris, champion de France en titre. Le
triplé du Pasaitar Isidro Langara permet aux Basques de l’emporter 3-0.
La joie est de courte durée puisque le
lendemain les bombes allemandes s’abattent sur Gernika. “Euzkadi” ne va pas
rentrer et s’engage alors dans une tournée mondiale, avec toujours le même
double objectif en tête. France, République tchèque, Pologne, Russie,
Biélorussie, Ukraine, Géorgie, Norvège et Danemark, l’Europe voit les Basques
disputer une vingtaine de rencontres jusqu’à la fin de l’année 1937. Presque un
match par semaine.
Fin 1937 marque le départ pour l’Amérique
centrale. “Euzkadi” joue dix rencontres au Mexique (sept victoires, deux
défaites et un match nul) avant de prendre la direction de Cuba pour quatre
matchs. L’Argentine, destination suivante, verra “Euzkadi” bloquée au pays et
disputer une seule rencontre en trois mois.
Le 25 mai 1938, la sélection retourne à Cuba
pour trois rencontres et autant de succès. Août 1938, vient le temps de la
seconde étape au Mexique. Le lehendakari Aguirre veut utiliser ce pays comme le
tremplin vers les Etats-Unis d’Amérique et le Canada et faire connaître
toujours plus loin le football basque et le message politique qui l’accompagne.
Mais “Euzkadi” ne verra jamais l’Amérique du Nord et avant d’être dissoute, la
sélection va disputer une compétition officielle : le championnat de première
division aztèque 1938-1939. L’équipe porte le nom de “Club Deportivo Euzkadi”
et termine vice-champion.
Sa dernière rencontre, la sélection basque
la jouera contre l’Atletico Corales, une équipe paraguayenne en tournée au
Mexique. Ce match amical, disputé le 18 juin 1939, se solde par un match nul
4-4. Au mois d’août, la sélection basque n’est plus qu’un souvenir.
Dans l’Etat espagnol, la guerre civile est
terminée et avec elle a sonné la défaite de la cause basque et de la
république. Le gouvernement d’Aguirre condamné à l’exil, l’existence de la
sélection “Euzkadi” n’a plus de raisons d’être deux ans après sa création.
Certains joueurs s’engagent avec des clubs argentins et mexicains, d’autres rentrent
jouer dans l’Etat espagnol, certains, comme le capitaine Regueiro, abandonnent
le football.
La sélection basque disparaît alors du
circuit international. Elle ne réapparaîtra que 39 ans plus tard, le 2 mars
1978, trois ans après la mort de Franco. Devant 25 000 spectateurs à San Mames,
la sélection fait un match nul décevant (0-0) contre l’URSS. Loin de l’image
laissée par cette sélection basque des années 1930 victorieuse sur de nombreux
terrains.
C’est en fait en août 1979 que la sélection
va marquer son vrai retour avec une rencontre Euskadi-Irlande (victoire 4-1)
dans le cadre du programme de la campagne “Bai Euskarari” militant en faveur de
la langue basque. En suivant, “Euskadi” affronte la Bulgarie (décembre 1979,
victoire 4-0) puis la Hongrie (août 1980, défaite 1-5) avant de connaître à
nouveau une absence de huit années. Depuis 1988, et la rencontre
Euskadi-Tottenham (victoire 4-0), la sélection basque joue régulièrement.
Sources : Le Journal du Pays Basque - La patria del gol : fútbol y
política en el Estado español, écrit par Daniel Gómez (Editions Alberdania,
2007)