5 Mai 1992, à 1h30 du coup d'envoi de cette
demi-finale entre le Sporting Club de Bastia et l'OM, le stade
est comble. Quelques sièges sont encore disponibles en Tribune Nord qui semble
résister à la masse de supporters qui y sont installés. En apparence…
Mais à partir de 19h, l'inquiétude
gagne de plus en plus les responsables de la sécurité, les pompiers, mais
aussi les journalistes et de nombreux spectateurs qui déclarent devant la presse
qu'ils éprouvent une certaine appréhension. Certains journalistes, dont André
de Rocca (chef du service des sports du Provençal), refusent de monter sur
la tribune. Pour ceux déjà installés tout en haut de cette tribune Nord, la
tension est palpable. Avi Assouli, envoyé spécial pour Radio France Provence
est à l'antenne : « Je suis tout en haut sur les tribunes du stade de
Furiani, au milieu des supporters. Je distingue à peine les joueurs. Ça bouge,
on se croirait sur un bateau. Chers auditeurs, j'espère être là à la fin du
match ».
De l'avis de tous, il est encore temps
d'arrêter le match. Aucune décision n'est prise !
A 20h , les joueurs du SCB et de l'OM
pénètrent sur la pelouse pour s'échauffer sous des tonnes d'applaudissements.
Sous la tribune, des techniciens s'affairent à resserrer des vices et
boulons... certains supporters sont effarés, constatant que des planches et des
supports de la tribune menacent de tomber. « C'est vraiment la
panique » déclare un supporter interrogé alors qu'il passe sous la
tribune.
A 20h15 , les équipes regagnent les
vestiaires. La tribune est de plus en plus instable. Certains n'osent même plus
s'appuyer sur les rambardes. Jean-Pierre Paoli, le speaker du stade, est sommé
par des représentants de la sécurité de calmer les supporters au
micro.« Ne tapez plus des pieds !» leur demande-t-ils, pour éviter
que certaines parties des gradins métalliques ne se détachent.
A 20h20 , Patrick Poivre d'Arvor conclut le
journal télévisé de TF1, et va donner l'antenne à ses deux journalistes
présents à Furiani, Thierry Rolland et Jean-Michel Larqué.
Il est 20h23, ce mardi 5 mai 1992, lorsque
la partie haute de la tribune provisoire du stade Armand Césari bascule et
s'effondre sur elle-même, entraînant avec elle plus de 2 000 personnes et
les nombreux journalistes qui y avaient été installés.
Le drame, l'horreur et la stupéfaction des
milliers de spectateurs présents à Furiani sont retranscrits en direct à la
télévision. Après le bruit sourd, le silence, les cris. Les hurlements, les
plaintes des centaines de spectateurs juchés sur la tribune réduite à l'état de
tubes métalliques et de tôles froissées, pliées, résonnent sur la pelouse de
Furiani. Les images sont insoutenables. Les corps allongés sur le sol montrent
à des millions de téléspectateurs l'ampleur du drame que vit Furiani en ce
moment...
Les premiers secours s'organisent dans la
panique ambiante et les joueurs qui venaient de faire leur entrée sur le
terrain se pressent pour libérer les spectateurs encore jonchés sur ce qu'il
reste de la tribune. Un véritable élan de solidarité s'empare du stade de
Furiani. La pelouse s'est improvisée en hôpital, de même que les supporters
indemnes se portent volontaires pour secourir les blessés. Michel Codaccioni,
journaliste à Radio Corse Frequenza Mora, les imite : « je fais
comme tout le monde, je transporte des corps. J'apprends à faire une
intubation, grâce au patron du SAMU… »
A 21h30 arrivent les premiers hélicoptères
de la Sécurité Civile et Pierre Joxe, Ministre de la Défense déclenche le plan
rouge aux environs de 22h. Trente minutes plus tard, malgré le déploiement des
moyens de secours et de l'aide apportées au victimes, il faut déjà compter 1
mort et plus de 50 blessés.
Les hôpitaux de Corses étant saturés,
l'aéroport de Poretta accueille les nombreux blessés afin de les acheminer vers
le continent, à destination de Marseille et Nice, avec l'aide d'un Airbus A300
d'Air Inter réquisitionné.
A minuit, un dernier bilan pour la journée
du 5 mai bilan fait état de 8 morts et plus de cents blessés et déjà, des voix
s'élèvent pour dénoncer le scandale et faire apparaître les premières
responsabilités des autorités, du club, de la société ayant réalisée l'ouvrage.
Le lendemain matin, le mercredi 6 mai 1992 ,
la Corse ne vit plus mais le scandale apparaît clairement aux yeux de tous.
Comment a-t-on pu laisser jouer cette demi-finale ? Pourquoi n'a-t-on
pas pris toutes les mesures de sécurité pour assurer la tranquillité des
spectateurs ?
Déjà, les premières déclarations se
multiplient. Certains s'exonèrent immédiatement de toutes responsabilités
comme Jean Fournet-Fayard : « Cet après-midi encore, la
Fédération avait pris toutes les précautions nécessaires pour s'assurer la
solidité des installations à Bastia. Tout devait bien se passer... », et
il s'interroge même « pour savoir quand cette demi-finale aura lieu.
» Pour Noël Le Graet, Président de la Ligue Nationale de Football, il
s'agit « d'un malheureux accident. ».
Mais déjà, la presse dénonce et fait
apparaître les premiers dysfonctionnements qui ont conduit à l'effondrement de
la tribune…
Le 7 mai , commence les premières
constatations et la presse continue ses révélations. L'Equipe indique que la
société Space, contactée dès le 24 avril avait refusé le marché proposé faute
de temps, par mesure de sécurité. Pour le PDG de Sud Tribune, Alain
Giordanengo, l'accident est « totalement incompréhensif ».
Deux instructions sont ouvertes le même
jour. La commission d'enquête est composée d'inspecteurs généraux des
ministères de l'Intérieur, de la jeunesse et des Sports et de l'Equipement.
L'enquête judiciaire débute le 8 mai .
Pendant ce temps, la Corse vit toujours le
drame et les images du 5 mai sont bien sûr toujours présentes. Les obsèques des
premières victimes se déroulent, celle de Mme Marie-Laure Guerrieri, et de Mlle
Santa Grimaldi, lycéenne agée de 15 ans. Le bilan n'est toujours pas
définitif : il fait état pour l'instant de 11 morts et plus de 1 000
blessés.
Le Monde publie un entretien réalisé avec
Jean-François Filippi. Le président déclare que la prise de contact et
l'obtention du marché pour la construction de la tribune métallique s'est
conclue par « un simple accord verbal au téléphone », « sans
signature de contrat ». Quant à l'augmentation du prix des billets, « c'était
pour la sécurité et pour la fête ».
Le 9 mai, c'est la journée Isula Morta à la
mémoire des victimes de la catastrophe de Furiani. Les obsèques de 4 autres
victimes de la catastrophe de Bastia se déroulent à Bastia : MM. Cédric
Lalliat, Lucien Marsican, Michel Mottier et Antoine Angelini.
La polémique sur l'absence de garantie et
sur le manque de sécurité ne cesse de gonfler, et les déclarations continuent
de s'intensifier, demandant (parfois) même la démission du président
de la FFF…
Le dimanche 10 mai , le bilan de la
catastrophe de Furiani s'alourdit. MM Patrick Rao et Thierry Giampietri
décèdent de leurs blessures à Bastia. Les obsèques de Guy Brunel ont lieu dans
le Tarn.
Le lendemain, Eugène Bertucci, Maire de
Furiani, déclare à la presse qu'aucune demande concernant la construction de la
tribune ne lui a été faite. Ayant eu connaissance de l'avis favorable de la
commission de sécurité, il n'a pas pris de mesures d'interdiction.
Le 14 mai , Pierre Guidicelli, technicien à
RCFM décède à la suite de ses blessures à Marseille
Bilan : 18 morts et 2357 blessés
Prix des places dans cette tribune :
300 à 500 francs...